Il pouvait sentir la tension suinter de Saeda-san près de lui, téléphone à l'oreille et toujours en train de communiquer...non, négocier avec les esprits; un léger froncement de sourcil déforma les traits du patineur alors que l'inquiétude grimpait vicieusement à nouveau. Quoi qu'ils aient fait à Arun, ils connaissaient à présent son identité, et Aoi n'aimait pas cela; il n'avait pas la moindre idée de la façon dont ils avaient pu l'apprendre. Avaient-ils accès à sa mémoire ? L'avaient-ils espionnés ? Ce n'était pas un cas auquel il avait déjà été confronté, pas comme ça. Si ce n'était qu'une farce, elle était de mauvais goût.

Aucune réponse à sa seconde question. Ç’avait sûrement été une erreur de sa part, motivée par le besoin de garder contact, de poser une telle question, de façon impolie qui plus est. Il inspira. S'il voulait réussir à élucider cette affaire, il allait falloir qu'il y mette toute sa bonne volonté, sans se précipiter, ni s'acharner. Il fit danses ses doigts sur l'instrument, le faisant vibrer presque imperceptiblement, pour s'aider à retrouver ses esprits. Il cala son rythme de cœur et de respiration sur celui des lentes ondes, jusqu'à ce qu'ils cessent de lui être encombrants. Et enfin, calme de corps et d'esprit, il joua la question suivante.

"Comment êtes-vous mort ?"

'Si vous l'êtes' lui passa brièvement à l'esprit, mais il se retint de le jouer, un doute qu'il préféra mettre de côté pour l'instant, au risque de s'y emmêler, bien qu'il le garda à vue. Il veilla à respecter la politesse cette fois. Il espérait avoir une réponse, quelle qu'elle soit. Ses doigts habitués ne tremblèrent pas, bien qu'il ne sût s'il pourrait maintenir son état stable, s'il advenait que Saeda-san n'avait réellement pas de nouvelles d'Arun...

Non, il le devait, encore plus s'ils n'avaient pas signe de sa moitié, cela signifierait qu'il était possiblement impliqué d'une façon ou d'une autre, et il ne laisserait pareille chose passer, pas sans avoir découvert ce qui se passait ici.

Toujours aucune réponse… Il soupira à nouveau. Le doute qu’il avait laissé de côté ressurgit. Peut-être avaient-ils réellement affaire à autre chose, après tout. D’autres forces occultes pouvaient créer les phénomènes auxquels ils avaient pu assister. Même si lui répondre sur son Qin sans être un fantôme…Il n’avait jamais eu affaire à ce cas avant, ni l’avait même croisé dans un manuel ou un parchemin, mais la possibilité ne pouvait être exclue sur sa simple méconnaissance… La tension commençait à monter dangereusement, escaladant l’angoisse qu’avait créé ces quelques notes… Arun, étais-tu sain et sauf ?

Il voulut tourner le regard vers Saeda-san, savoir où il en était ; concentré sur son Qin, il n’avait pu entendre s’il avait réussi à avoir une réponse du musicien de son côté. Mais il n’eut pas le temps d’appeler son nom qu’un large mouvement manqua de le bousculer pour le dépasser. Il… Il fixa son aîné avec une expression qui, venant de lui, était de la pure stupéfaction.

Mais bientôt, quelque chose cliqua, à ces mots. Malgré la façon…Fantasque, qu’il avait eu de l’exprimer (une dame Horloge ?), il avait raison. Les cris leurs étaient parvenus de plus haut, s’ils devaient pouvoir trouver une réponse à leurs questions, cela serait probablement là-haut.

Il eut envie de se gifler ; si l’objectif avait été de les déstabiliser, cela avait été une plus grande réussite que ce à quoi il s’attendait. Si désespéré d’avoir une réponse, il avait perdu son objectif de vue.

Il se tourna finalement vers Saeda-san, lui adressant un hochement de tête pour lui signifier de suivre le plus âgé et la jeune fille qu’il traînait (était-elle consentante à un tel traitement ? Aoi espérait que oui, malgré l’absence de réaction négative qu’il avait vu chez elle), reprenant ses grandes enjambées pour ne pas les perdre de vue. C’est cela, il devait se rappeler de son objectif premier en venant ici : assurer que personne ne serait blessé, maintenant ou à l’avenir. Et pour cela, il ne pouvait décemment pas se focaliser sur la santé d’Arun seul (malgré ce que son cœur lui criait) mais également celle de toutes les personnes présentes dans ce bâtiment.

Dans le même regard qu’il adressa au blond, il ne put cependant s’empêcher de chercher à savoir, ce qu’il s’était dit au téléphone, si quelque chose y avait été dit tout court…