L'affiche avait été collée dans toute la ville. Un peu foireuse, reprenant le thème de l'émission iconique. Il y avait écrit dessus les infos suivantes.

-Lieu : bar du centre
-Heure : à partir de 17h30, et jusqu'au bout de la nuit !
Tout public jusqu'à 22h. La consommation d'alcool est interdite aux mineurs.

La date y était aussi mais ma joueuse a la flemme d'en trouver une cohérente avec le contexte. Partez du principe que c'est un jeudi soir, à peu près deux semaines après le festival.

Je fixe le patron. Il est sur le point de pleurer. En même temps ça se comprend. Notre petit bar, d'ordinaire un peu sombre et underground, est transformé ce soir : l’estrade des artistes a été toute nappée de rouge. Des spots et des boules discos illuminent la salle. Sur le comptoir, une boîte en carton décorée avec soin attend que le peuple de Namimori dépose son nom dans l'urne pour être appelé sur la scène.

Le thème est simple. Un talent show. Et du disco. On peut pas faire plus explicite.

Bref, le patron chiale. C’est l'oeuvre de sa vie, et on sent qu’il pouvait pas rêver mieux pour sa dernière soirée avant la retraite.

-Gaffe, Patron. Tu transpires des yeux, que je fais avec mon sourire de ptit con suffisant.

Avec les collègues, on est alignés comme de bons soldats attendant les ordres… Habillés comme les village people (je vous laisse deviner mon déguisement (c’était vraiment pour faire plaisir au patron))
Ça va être notre fête, à nous aussi. Vu la com qui a été faite, la moitié de Namimori va se ramener à cette soirée, et le patron sera pas là pour nous aider. C'est son moment. Il sera dans le jury ce soir. Il doit être en train de réaliser un rêve de gosse. Je suis sûre qu'il regardait the voice petit, avec des paillettes dans les yeux, en s'imaginant être la prochaine star se retournant et criant JE TE VEUX DANS MON ÉQUIPE !!!

Tout est prêt. L'annexe où danser, la scène où chacun prouvera sa valeur, les mètres de shot.
Et c'est l'heure du gong, il est 17h. Mes cheveux sont ramenés par un choucou derrière ma tête. On est prêt à faire le meilleur chiffre de l'année.

-Je te parie que je fais au moins 30 verres de plus que toi, Jinto, que je fais à l'attention de Jin avec un air provocateur.

Avec les clients je fais gaffe, mais ça m'empêche pas de titiller un peu les collègues. Jin est particulièrement marrant à embêter. Jinto, c’est le jolie sobriquet que je lui ai trouvé. Ça vient de Jin Tonic, héhé. J’aimerais bien que parmi l’équipe du bar, on ai tous des noms de cocktails. Ça serait stylé ! On m’appellerait « Piña Caîolada »

A 17h30, y a déjà un monde fou. C'est l'heure de tout donner. Je dégaine mon sourire de bg.
It’s show time !!

Oh bordel, y a déjà du monde !! Et l’urne se remplit ! Ça promet. Heureusement, y a quelques têtes connues dans tout ce merdier. J’étais en train de flexer à faire tourbillonner un shaker quand j’ai vu une tête bien connue passer la porte d’entrée. Avec un petit sourire, je sers gracieusement le verre à ma cliente, avant de laisser un des collègues l’encaisser avec un clin d’oeil. On est plutôt bien rodés en vrai. Et en même temps, si c’était pas le cas, on ne survivrait pas à cette soirée.

-Hello Kiko ~ Je te sers quoi ce soir ?

J’écoute sa commande et…
Je serre un peu mes lèvres pour étouffer la connerie que j’ai envie de dire. Mais c’est tellement tentant putain de merde ! L’occasion est parfaite !
…
…
Non… En vrai non.
J’suis viré si jamais je la fais.
…
…
…

La.

Tentation.

Est.

TROP FORTE !

C’est foutu, j’suis parti. Avec entrain, je m’appuie sur le bar.

-Bien sûr, ça sera avec ou sans vêtements ? que je fais avec un sourire suffisant insupportable

Bon bah ça a été un plaisir de travailler avec vous, les amis !

OOF !
Jouant le soldat qui se prend une balle en plein coeur, j'explose de rire avant de me frotter l'arrière de la tête où a tapé Jin.
Quelle femme, sérieux.

-Je l'ai pas volée, celle-là ! Toujours aussi piquante, à ce que je vois !

Je lui fait un grand sourire. Le décolleté de cette chemise de policiers qui m'arrive au nombril a certes contribué à l'ambiance qui a donné la blague. Mais soyons honnêtes. Je ne l'aurais pas fait à n'importe quelle soirée et à n'importe qui. J'ai mes favoris à embêter.
Mais bon, la plaisanterie s'arrête là, et je vais pas trop pousser. Je tiens à ce job. Pourquoi je me motiverais autant à retenir le flot de merde habituel de sortir de ma bouche sinon ?

-Un porn star pour la dame, donc !

Je me retiens de rajouter "Avec vêtements". Quelle torture ce job, haha !

Je sors un shaker que je remplis de glace. Le posant sur le bois, j'y ajoute la vodka vanille d'un geste souple, avant de compléter avec les autres ingrédients. La fluidité et la rapidité de mes gestes ne trompent pas : je sais ce que je fais. Et je kiff !! Mais c'est pas nouveau que j'aime mon taff. Surtout dans les soirées comme celle là, où il faut enchaîner. Bon, on repassera pour la rapidité, vu le temps que je viens de perdre, mais ça me va. J'suis content. J'ai fait ma blague, c'est pas encore le pique de la soirée.

-Tu ne me semblais pas être le genre de personne à venir dans les soirées bondées.

Un rapide pressage de maracuja, puis je secoue avec force le shaker, en profitant pour prendre la commande de quelqu'un d'autre au passage. J'ai plus le temps de flexer avec mes tours de passe passe. De toute façon j'ai cramé tout mon budget connerie avec ma blague à la con. Ptetre en fin de soirée, quand il restera que les plus vaillants. On prendra des shot avec le patron. Ça sera chouette.

Et voilà ! Le cocktail est devant la dame en un rien de temps.

-C'est cadeau !