A nouveau les mains prisent par Yuri, Megumi la regarda dans les yeux. Oui, elle n'avait pas tort en soit. Toute interprétation était possible quelle que soit l'œuvre regardé. Chaque personne avait sa propre façon de voir les choses selon leur expérience de vie... Elle aimait tout de même imaginer que le public qui avait lu ce manga avait tous quelque chose en commun. Un amour impossible ou une identité refusée par la société, rassurée par une autrice des plus ouverte et douce, malgré ses textes durs.

Elle sourit doucement en l'écoutant. On ne lui avait pas réellement laissé le droit de choisir cette famille. Elle lui a été légèrement imposée de par la tradition et la culture. Elle savait ses deux parents profondément investi, mais ils auraient très bien pu faire en sorte qu'elle-même n'ait pas à suivre leur chemin. Ce ne fut pas le cas, évidemment. Et elle ne sait pas ce qu'elle aurait fait si elle n'avait pas été d'accord avec Yuri. Elle était humblement heureuse de l'avoir comme Marraine et n'en aurait probablement pas choisi un.e autre. Mais qu'aurait-elle fait ? Qu'aurait-elle fait si elle n'avait pas senti ce lien entre elles ? Aurait-elle eu le courage de partir ? L'aurait-on laissé faire ? Tant de questions qui n'auront jamais de réponses, probablement. Et elle espérait réellement ne pas a avoir répondre.

De toute façon, il y avait autre chose qui venait de préoccuper son esprit. Heureusement qu'elles étaient seules ici et que les prêtres devaient les laisser tranquille. Comment est-ce qu'elles auraient expliqué la flamme qui venait d'apparaître sur le front de la demoiselle en face d'elle ? Elle la regarda pendant deux-trois secondes. Quand la pratique rencontrait la théorie la première fois, c'était toujours déstabilisant. Elle ne se serait pas douté que les prochaines minutes le serait encore plus que cela. Est-ce que Yuri venait vraiment de faire cette demande là ? Ici ? Maintenant ? N'était-ce pas un peu brut ? Sortit de nulle part ? Impulsif ? Elle cligna des yeux, prise par surprise. Ce n'était pas du tout un chemin qu'elle avait imaginé. Il lui fut un petit moment de bien enregistrer la demande, puis essayer de trouver la réponse.

"..Hein ? Je... Ta seconde ? Yuri, est-ce qu'on ne devrait pas y réfléchir un petit peu avant ? Non pas que je refuse, je... Je serais tout à fait heureuse d'accepter, ça me touche vraiment que tu me le demande. Mais... Mais ce n'est pas rien !  Enfin, je.... Il faudrait en discuter avec les autres non ? Voir si ils sont aussi d'accord ?"

Oui c'était très légèrement la panique. Pouvons-nous lui en vouloir ? Elle n'était qu'une simple petite future prêtresse, et d'un coup, la voilà peut-être bras droit de la Marraine de la mafia ? Il lui faudrait un peu de temps avant de réellement se rendre compte de ce que ça voulait dire, puis encore plus pour réellement l'accepter et s'y habituer ! C'était un peu dans un autre état qu'elle avait répondu, retournant dans un principe qui lui était familier. Elle savait que Yuri lui parlait honnêtement, ce n'était pas là le souci. C'était juste... intense ? Oui c'était un bon terme, intense ! La flamme n'aidait absolument pas dans cette situation, qui lui donnait l'impression d'être dans un shônen. Une étape importante était en train de se passer. Elle libéra ses mains pour reprendre tout de suite celle de la demoiselle, glissant ses doigts entre les siens et les serrant, se ramenant un peu dans la réalité. Elle ne savait plus quoi dire. Elle n'avait rien à dire. Elle avait déplacé prudemment son pion sur le plateau. C'était au tour de sa Marraine.

La certaine rougeur qui s'était installé sur les joues de la jeune Megumi refusait tout simplement de partir. Elle n'avait pipé mot, ni regardé ailleurs. Mais elle se trouvait effectivement dans un moment un peu... instable ? Plus ou moins. Ce n'était pas négatif, loin de là ! Mais elle devait rapidement se rattraper. Elle recula très légèrement, toujours un peu éblouie d'avoir la flamme si proche de son visage. Elle n'avait parlé des autres gardiens que pour gagner un peu de temps pour y réfléchir, mais ce n'était visiblement pas si important que ça pour la marraine. Bon. Elle devait choisir maintenant, c'est ça ?

La petite prêtresse avait à peine noté le changement dans la gestuelle et la voix de Yuri. Ca resterait quelque part, au chaud, dans sa petite tête, et reviendrai plus tard pour l'intriguer. Un détail qui la chatouillerait dans son sommeil. Inconsciemment elle le savait. Elle regarda ailleurs pour se permettre de réfléchir. Ce n'était vraiment pas rien, ce qui lui était demandé. Les deux le savaient. En même temps, elle ne voudrait pas la faire attendre plus que cela. Non pas que tout cela presse vraiment, n'est-ce pas ? La Famille recommençait à peine à se reformer après cet incident si violent pour tous. Un incident qui lui avait fait définitivement perdre son père.

Elle retira doucement ses mains pour les poser sur ses propres genoux, prenant une pose plus solennelle. Juste une seconde. Une seconde de calme pour trier ses pensées. Elle prit le temps de prendre une grande inspiration. Allez, zou, tous les scénarios catastrophiques. Zou, les doutes. Et elle prit le temps d'expirer. Dans une situation habituelle, elle aurait prit le temps de méditer plus longtemps, de se calmer et vider l'esprit. Elle ne l'avait pas vraiment, cette fois, le temps. Sa décision était déjà prise, en réalité. Ca ne servait à rien d'y réfléchir plus, elle ne ferait que tourner autour du pot. Elle doutait fortement que quelque chose la convainque autrement. Elle posa son regard auburn sur celui océanique de Yuri. Elle souriait de nouveau de cette douceur et politesse digne de toute prêtresse.

"D'accord. Miharu Yuri, ce serait le plus grand des honneurs que d'être ta seconde. Je te promets de faire mon possible et plus pour toi et la famille Nobusuma."

Ses mains sur ses genoux se retournèrent pour être paumes face au ciel, attendant de reprendre celle de son interlocutrice. Elle ne savait pas vraiment comment finaliser ce ""contrat"". Elle avait presque eu envie de servir à nouveau le thé et se le partager. Mais c'était peut-être un peu exagéré, non ?