Je fixe les conserves avec nonchalance. Un peu la flemme de cuisiner ce soir. Je pourrais peut-être prendre un truc déjà préparé ? Je sais bien que la photo n'est jamais contractuelle, mais honnêtement, est-ce que j'en ai quelque chose à foutre ?

Je hausse les épaules avant de mettre la conserve dans mon petit sac. Peut-être que je peux prendre quelques légumes prédécoupés. C'est pas chiant à faire, les légumes en vrai.

J'ai une veste sombres sur les épaules, avec la capuche rabaissé comme quelqu'un qui veut être incognito. Mon jogging et mon masque noir n'arrange pas l'affaire. Je dois avoir l'air d'un délinquant. Foutu rhume des foins. Le caissier me regarde bizarre en tout cas. Ou alors c'est parce que je fais deux têtes de plus que tout le monde ?

Sauf que je suis pas le seul à être chelou, dans ce magazin. Mon regard se lève de la boite d'oignons frits, apercevant un type près du rayon frais par delà mes lunettes de soleil. Est-ce que c'est une arme que j'ai entrapercue sous son blouson ? Il va pas faire un hold up, si ?

Tranquillement, je me dirige vers la caisse, mes yeux toujours portés sur l'individu, sous les verres noirs. Une main dans la poche, l'autre tenant mon sac en plastique.

Quelle n'est pas ma surprise de voir que le caissier a un mouvement de recul.

-N-ne m'approchez pas ! Ou j'appelle la police !!

-Huh ?

Avec un air défait, je regarde autour de moi pour voir si quelqu'un d'autre que moi comprends la situation. Une dame au rayon légumes pousse une petit exclamation. J'ai rien fait de chelou, si ?

-Mais Monsieur, vous voyez bien que je viens juste faire mes courses.

Aïe, avec l'accent, pas sûr que ça passe. Je me tourne vers la personne la plus proche de moi.

-Vous devez déjà m'avoir vu ici, vous. Dîtes au monsieur que je ne lui veux pas de mal. Il doit être nouveau.

Déposant mon sac en plastique sur le comptoir, j'entreprends de saisir mon porte monnaie dans la poche intérieure de ma veste, pour prouver ma bonne foi.

Bien sûr, ducon. Tente de sortir un truc de ta poche intérieure alors qu'on te soupçonne de vouloir faire un hold up. Tout le magasin vient de sursauter de peur, maintenant.

-Petit impertinent ! Vous les jeu-

-Vous êtes flics ?

J’ai interrompu le loubard en me tournant vers le nouveau venu. En même temps, ce que ce débite ce caissier n'est pas intéressant. Par contre, l’identité de ce bonhomme-là promet un retournement de situation comme on en voit pas beaucoup.

-Vous avez raison, je viens juste faire mes courses.  

Un petit sourire en coin étire mes lèvres.

-Par contre, il y a une vraie menace ici. Et ce n’est pas moi.  

Un malaise s’installe dans le store. Je sors mon porte monnaie de ma veste, satisfait. Se faisant, je me prends un coup de courgette sur le dos de la main.

-Mais aïeuh ! Vous êtes vraiment un taré ma parole !  

Nouveau coup de courgette.

-Mais !  

Coup de courgette

-Laissez-moi !

Je contre la courgette de mon porte monnaie.

-PAYER !

Que merda, mais c’est qu’il est chiant, le bougre !
Ceci dit, je pouvais percevoir des mouvements dans le magasin. Que ce soit l’hilarité de certains, l’inquiétude d’autres.
Ou la crainte de celui que je venais de balancer ?
Je tourne doucement la tête vers le présumé flic, sans interrompre mon combat acharné pour mon honneur et ma bouffe.

-Si vous voulez mon avis, vous devriez fouiller les gens ici. Vous pourriez trouver un truc intéressant. Et sauver le salaire du monsieur ici présent.  

J'avisais le présumé flic sortir du shop avec mon agresseur. Il m'avait pas écouté du tout. Ptain c'etait dingue ça. Même quand je faisais une bonne action, on m'écoutais pas.
J'aurais été un petit con, je me serais dis que c'etait bien fait pour leur pomme. Et j'étais pas un ptit con.

…
Bon d'accord, j'étais un petit con. Enfin, pas si petit que ça. Mais un grand con quoi. Ça c'etait pas négociable. Bref, j'etais un con, mais j'avais plus envie de faire chier le fouille merde qui etait encore dans le magasin que le connard qui m'avait pris pour un délinquant (ce que j'etais. Juste pas aujourd'hui. Je voulais juste me faire des nouilles)

Du coup je me suis tourné vers le connard qui planquait son flingue sous son manteau depuis le début.

-Bon, tu le fais ton hold up, fils de pute ?  

Le mec eut un mouvement de recul, alors que certaines personnes quittaient le magasin, mal à l'aise. La petite vieille du rayon légume me regardait toujours. Elle devait se dire que le flic aurait dû m'amener à la place.

-Tu m'as appelé comment là ?
vociféra le type en plongeant sa main sous son blouson.

-Vous devriez vous accroupir sous un rayon, Madame, fis-je à la vieille avec un air très poli.

-Eh, répond, connard !!!


Mon regard se planta de nouveau sur lui, alors que mon sourire se faisait carnassier. Aaaaah. Un peu de baston.

***
-Attendez, msieur le flic, c'est vraiment pas ce que vous croyez ! Que j'ai balbutié quand le policier blond est effectivement revenu, 10 minutes après.


Bon, c'est sûr, la scène ne jouait vraiment pas en ma faveur, là. J'étais à moitié vautré sur la caisse, un air ahuri sur le visage, avec un tas de billets dans une main, et un pistolet dans l'autre. Mon assaillant était maintenant à moitié enfoncé dans le mur, en train de compter les étoiles. La vieille était effectivement accroupie sous un rayon, en train de trembler en marmonnant des prières. Le magasin était en pagaille. Sur le mur, il y avait des trous fumants, et même le voisinage pouvait témoigner qu'il avait entendu des coups de feu.

Mais je vous jure ! C'était VRAIMENT un malentendu !

-Je peux tout vous expliquer !