J'amenais mes cheveux au dessus de ma tête en queue de cheval, ignorant l'envie habituelle de les laisser libre. Le travail impliquait une tenue réglementaire et je dois m'y tenir au maximum, c'est une façon de respecter l'autre, soi et notre mission. Je rouvrais mes yeux pour observer que chaque parcelle de ma coiffure soit respectable. Quand ce fut satisfaisant, je m'appliquais à faire de ma tenue civile du jour un mélange de spontanéité, de féminité et de modernité. Cela me prit un peu plus de temps que d'habitude, mon frère aîné m'avait envoyé un message sur le bon déroulement de sa vie à Namimori, et ma cadette était venue me voir pour que je puisse lui accrocher correctement sa veste. Je lui souris et une fois que la rassurante tape se fit sur le dos de l'enfant, je puis enfin me redresser. Calmement, je prévenais mon autre frère que je ne serai pas là pour la journée. Je comptais sur mon second pour prendre en charge les affaires. Même sans voix, il le faisait mieux qu'un régiment entier. C'était appréciable. Rassurant. Une envie de lui faire un câlin d'encouragement me vient, et je le fis évidemment. Il le méritait. Ils le méritaient tous d'ailleurs. C'est ainsi que j'enlaçais toutes les personnes de ma famille présente avant de partir prendre mon train.

Les heures de train furent assez longues, mais elles en valaient la peine. Je souris doucement et regardait calmement les indications de mes chercheurs de talent. Est-ce qu'ils étaient sûrs de leur approche ? Je n'avais déjà pas encore rencontré Jin qui était sur le terrain. J'aurai aimé sa confirmation avant de m'engager dans cette péripétie, mais soit. Allons-y.

Calmement, je finis par me demander si c'est une bonne idée de me balader en attendant de trouver la bonne personne. On m'avait délivré un radar capable de détecter les personnes atteintes de ce que je cherchais mais je ne savais pas encore s'il marchait correctement à ce moment-là. Pourtant, j'avais poser mon regard sur elle. A ce moment précis, je sus que cela fonctionnait. Je ne pus retirer un sourire de satisfaction d'étendre mes lèvres. Rangeant le radar dans mon sac à main, je m'avançais avec calme de la lycéenne. Elle devait avoir quasiment le même âge que moi.

« Bonjour, je suis Azura Nayaka, journaliste. Est-ce que vous avez un temps à m'accorder pour mon article ? J'aimerai discuter des récentes perturbations à Namimori. C'est pour le Namimorien. »

Mon sourire était chaleureux, sans mauvaise image, après tout, je l'étais. Peu importe que ma phrase passée fut un mensonge dont j'avais toutes les vérifications à portée. Je devais savoir si elle était bien celle que je cherchais.

Elle transpirait plus qu'elle ne voulait le laisser paraître. Visiblement, son caractère semblait plus fort qu'on me l'avait annoncer. Je partais donc du principe que la jeune femme devant moi avait une véritable compétence pour se cacher aux autres. Est-ce que cela venait de ce que je souhaitais vérifier ? Si c'était le cas, je me devais de lui proposer mon aide. Dans cette ville où tout était possible, elle risquait de devenir quelqu'un d'autre, de se perdre et de ne jamais revenir. Malgré une certaine inquiétude qui s'infiltrait en moi pour la lycéenne, je préférai ne pas en faire fi et de me consacrer à l'instant présent. Le reste viendrait bien plus tôt qu'imaginer, je ne pouvais qu'en être assurée.

Avec douceur j'amenais ma main vers un banc :

« Ce ne sera pas long, mais je pense que vous serez peut-être plus tranquille après vous être assis. Les sacs ont l'air lourds. »

Je ne faisais pas l'impolitesse de porter un de ses sacs même si je suppose qu'elle en aurait bien besoin. J'avais déjà assez empiéter sur l'honneur, je ne voulais pas la mettre plus dans un embarras négatif. En tout cas, je finis par me déposer sur le bois, m'y installant en faisant attention que ma tenue ne s'accroche nul part. Je tournais mon stylo dans mes mains et attendit très posément qu'elle s’assoit ou non.

«  Que pensez vous de la direction des gangs de Namimori par Sutton Rihan ? » Bien évidemment, je laissais la réponse arriver mais tout autant, j'étais curieuse de voir son raisonnement.

Après tout, je venais de livrer beaucoup d'informations sur moi.

Si je n'avais pas été dans mon rôle de journaliste, j'aurai sûrement pouffer. Je ne pensais pas une seconde qu'elle n'était pas connaisseuse des choses et qu'elle n'en avait pas un avis assez peaufiné. Il était toutefois révélateur de la voir retenir ses informations pour elle. Elle était très attentive à la moindre des approches que j'affichais. Sans me retenir, cette fois je dépose mon stylo sur le papier, tapotant quelques instants. J'avais envie d'être directe mais il me semblait logique de penser qu'elle fuirait si je me montrais trop engageante. Je n'avais pourtant pas envie de la laisser faire. Son contrôle était imperturbable et me donnait envie d'aller creuser plus loin dans la question, mais de la même façon, je savais que plus je parlerai et agirait, plus elle se douterait de quoi que ce soit et donc fuirait. Mon temps était compté.

« Je vois. »

La curiosité était une puissante force en moi, et l’honnêteté encore plus. Je me sentais y plonger plus vite que je ne l'aurai voulu.

« Ce n'est pas ce qu'on m'avait indiqué. » Mon visage émit une petite moue désolée.

Je n'avais pas envie de la brusquer mais je n'en avais pas non plus le choix. Si je continuais, je n'aurai pas de réponses. De plus, j'avais beaucoup de choses dont je voulais lui parler honnêtement. Passer sous une couverture pouvait être amusant, mais je savais reconnaître quand ça ne mènerait à rien. Ici, c'était le cas.

« Je ne suis pas venu simplement pour prendre la température de Namimori. » Je souris tout en fixant devant moi. « Votre avis particulièrement m'intéresse. On m'a reporté quelque chose en vous et j'aimerai en avoir le cœur net. »

Cette fois-ci, je laissais un petit rire sortir tout en lui donnant un regard doux, chaleureux. Quelque soit sa réaction, au moins, je serai en accord avec moi-même.

« Vous devez me prendre pour une partisante de secte avec ces répliques. Quelqu'un qui serait là pour vous enrôler dans quelques mauvaises impasses. Ce n'est pas mon intention. » Cette fois, je soupirai, toujours avec un petit air doux sur mon visage. « Si vous le souhaitez, je peux me présenter entièrement, laisser ma carte de visite et vous laisser fouiller jusqu'à vérifier mes informations ? »

Avec calme et certitude, je restais le regard dans le sien. Je savais être dans le vrai, et ça aidait la profondeur de mon discours. Bien-sûr, des milliers de questions venaient avec mes mots, mais c'était le but recherché. Elle pouvait tout autant partir, je n'aurai alors qu'à lui tirer une balle de dernière volonté pour vérifier mes dires. Si elle prenait le temps de s'intéresser, on pourra faire tout ça plus posément.

Cette jeune femme était plus intelligente qu'elle ne voulait qu'on le perçoit. Je voyais mon sourire devenir un plus léger et doux alors que je décroisais mes jambes pour laisser une position plus sérieuse se faire. Mon regard restait toujours profondément posé dans le sien. Nos yeux n'étaient pas d'une couleur exceptionnelle, que ce fut les siens que les miens, pourtant, nous avions toutes deux quelques choses de plus à l'intérieur. Je ne savais pas ce qu'elle pouvait vivre au quotidien, mais je pouvais y décrire une individualité différente de la moyenne. J'étais persuadée de ne pas m'être trompé.

« Je me suis vraiment déplacée pour toi, Mori-san. » Je passais un doigt sur le banc sur lequel j'étais, tout en continuant de parler : « On m'a indiqué que tu avais deux comportements clairement opposés dans une seule vie, une capacité à t'exprimer de façon bien différentes, des manières... en soi une double vie parfaite. Bien que je trouve ça déjà fascinant, je trouve encore plus incroyable le fait que tu aies une vraie intelligence qui se dégage de ses mots, de tes notes et de tes actions. »

Je redressai ensuite mon doigt pour le mettre sur ma joue en penchant la tête. Mon sourire se fit un peu gêné.

« On dirait vraiment une psychopathe qui parle, mais je suis simplement une mafieuse qui cherche des personnes potentiellement capables de présenter une anomalie, possiblement malade. »

Je perdais ensuite mon sourire et me redressais de toute ma hauteur – malgré ma petite taille ! – devant elle. Je m'approchais avec assurance.

« Il y a possibilité que tu finisses par ne plus être toi-même. J'examine ce phénomène pour essayer de sauver une personne qui m'est chère ; et toi, tu présentes exactement les mêmes schémas de vie et de réaction. J'ai besoin de ton aide, et je peux essayer d'apporter une solution à ce qui va t'arriver de plus en plus vite. »

Elle avait du caractère. Loin d'abaisser mes motivations, cela me conforta dans ma volonté. Je ne pouvais pas la laisser là, dans cette lente pente qui ne s'arrêtera jamais si elle ne prends pas soin d'elle, si on ne l'aide pas. Je refusais ouvertement au monde le soucis qu'on laisse cette personne s'effondrer. Je pris une petite respiration et me redressais d'un bond devant elle. Peu importe ce qu'elle allait penser de moi plus tard, si elle avait envie de se battre je me battrais, si elle avait envie de fuir, je la rattraperai. Cela pouvait sembler extrême, mais je me devais d'agir.

J'allais sûrement en dehors de mes propres droits, seulement... Je ne pouvais pas voir quelqu'un se perdre à cause de cette maladie, c'était mon combat personnel à ce niveau-là. Il n'y aurait pas un deuxième comme lui. Mes yeux se sont fermés le temps de reprendre un e pincée de courage.

« Si je fais véritablement partie du problème, » Au vu de la première personne qui fut touché autours de moi, ce n'est pas une possibilité à écarter... « Je prendrais les dispositions nécessaires. » Y compris mourir pour eux.

Mon sourire restait calmement chaleureux, mais je savais parfaitement qu'on voyait une grande forme de tristesse passait dans mon regard. Elle n'était rien à côté de ma motivation.

« Je ne sais pas comment en parler autrement que comme une anomalie. On ne parle pas d'une modification simple, on parle d'un parasite qui se place directement à l'intérieur des gens pour les changer au plus au point. »

Je m'avançais vers elle, durement cette fois. Mon sourire se perdit et mes yeux se durcirent sans que je ne l'eut vraiment souhaité.

« Si tu n'agis pas Mori-san, tu risques de ne jamais te sentir à ta place, vivre pour quelqu'un d'autre au point de n'exister qu'à travers cette personne, tu sombreras petit à petit jusqu'à ne plus être qu'un objet. » Je penchais la tête et m'écartais de deux pas en arrière.

« Tu es la troisième personne que je vois ainsi. La première en est morte, la seconde lutte pour rester lui-même. J'espère me tromper sur ce qui pourrait t'arriver, sincèrement... mais j'ai besoin de le vérifier, et si ça s'avère vrai, te proposer notre aide, tout en demandant la tienne. »

Je m'inclinais brutalement ensuite.

« Je te promets que si tu n'es pas positive à ce test, tu ne me reverras plus jamais de ta vie, Mori-san ! »

Je comprenais très bien sa réaction. Après tout si j'avais été celle en face de moi en cet instant, je me serai faite peur. C'était pourtant important. Je ne savais pas comment cette flamme avait pu atteindre cette personne, mais je me devais de tout faire pour l'aider. Prenant une respiration, je m'excusais déjà envers toutes les divinités que j'allais énervé par mon prochain geste. Cependant, je n'avais plus l'option de pouvoir lui passer la pilule et qu'elle ne la prenne. Elle m'aurait évidemment envoyée bouler... je n'avais plus vraiment le choix, pas vrai ?

Est-ce que je devais la prévenir ?
Oui. Oui je le devais.

« As-tu une dernière volonté Mori-san ? »

Si déjà iel voulait survivre alors iel survivrait. Cependant, je savais aussi que si elle se retrouvait sans volonté, elle mourrait et je perdrai la personne qui pourrait aider mon oncle. Peu importe, je pris une autre respiration et ma propre flamme se déclencha. Un magnifique bordeau avec des reflets bleutés débuta sur mon front puis donna une grande flamme au dessus de ma tête. Celle-ci s’acclimata naturellement à mon corps jusqu'à me donner des ailes enflammées dans le dos. Bien évidemment, mes hommes gardaient les lieux pour qu'on ne me voit pas. J'avais mis Tapu sur l'affaire, personne ne passerait.

« Merci d'avoir accepté. »

Le flingue doré se pointa sur le front de Mori-san.
Avant même plus de réaction, je tirais la balle de dernière volonté dans son lobe frontal.
J'espérais aussi très fort qu'iel ne se relève.

La flamme d'Azura s'activa automatiquement. Elle sourit posément malgré elle, mais c'était un sourire triste. Habituée, elle tient Ran et lui évita des ennuis avec les autres. Sa rage toutefois, dégotta un œil au beurre noir à la demoiselle le lendemain.

Ran se réveillera dans son lit, avec à ses côtés une lettre quasiment calligraphiée.

« Bonjour Ran Mori,

Je m'excuse encore de la façon dont je vous ai fais découvrir votre flamme, toutefois sachez que vous avez une magnifique flamme solaire ornée de taches inquiétantes. Comme on me l'avait indiqué vous semblez atteint par cette maladie qui a décimé un des miens et qui continue à se rependre.

Je n'ai aucun droit de vous le demander, mais j'aimerai vous aider avant que celle-ci ne prenne le pas sur votre personnalité et vos pensées. Il y a de grandes chances que vous l'ayez subis à la suite d'un long et profond contrôle sur vous-même. Il est dit que cette flamme sur les autres permettraient de mieux les garder à leurs bottes.

Bien évidemment, je pense que pour le moment vous avez surtout envie de me mettre un poing dans mon torax puis mon visage, ce que je peux tout à fait comprendre. Mieux, vous allez peut-être ignorer cette lettre.

Cependant, si un jour, vous voulez de l'aide pour quoi que ce soit, envoyez un sms à ce numéro.

XX XX XX XX XX

Quelqu'un vous répondra.

Azura. »