Les flammes. Le pouvoir de la volonté. Les organisations mafieuses... Un nouveau monde, surprenant et dangereux qui lui ouvrait ses portes. Un monde dont il aurait pu suspecter l'existence, sans toutefois envisager d'y être un jour confronté. Encore moins dans de telles circonstances.

Malgré ce qu'il en savait à priori, et ce qu'il en apprit, Aoi n'avait pas d'hésitation. Arun y avait déjà plongé, il savait qu'il ne pouvait se résoudre à l'y laisser seul. Ils resteraient ensembles, quoi qu'il en coûterait. Sa moitié lui avait tout raconté en sachant cela.

Raison pour laquelle il l'avait aiguillé, ou du moins présenté les possibilités qui s'offraient à lui. Plusieurs personnes présentes à Namimori avaient les connaissances requises à une initiation aux flammes, chacune avec son domaine de prédilection et sa façon de faire. Arun travaillait déjà d'arrache-pied avec son mentor. Il n'avait pas de temps à perdre.

Oji-sama n'était pas au fait de son escapade. Et honnêtement, Aoi redoutait modérément sa réaction lorsqu'il l'apprendrait. Depuis peu, et ce malgré sa réticence initiale, son Oncle avait su lui laisser plus de libertés, tant qu'il se tenait à ses obligations, ce qu’évidemment le jeune patineur respectait rigoureusement. Mais en gérant lui-même une partie son emploi du temps (principalement pour ce qui concernait ses devoirs concernant le lycée), il avait appris à, disons, manœuvrer de telle sorte à gagner quelques heures libres par semaine.

Et bien que d'ordinaire, il se serait enquis de passer ces moments avec sa moitié, aujourd'hui une mission plus importante l'incombait.

Aoi lui avait demandé l'adresse d'une de ces personnes. Celle qu'il voyait le mieux convenir à ce qu'il recherchait, et s'y rendait présentement, le pas calme et soutenu, par ce début d'après-midi tiède.

Au bout d'un moment de marche tranquille, il arriva face à la demeure indiquée. Lui qui commençait à peine à s'habituer au décor suburbain, revoir une si grande construction le rendit à la fois surpris et nostalgique. Il ne pouvait certainement pas en voir beaucoup depuis l'entrée, mais c'était assez pour identifier l'architecture traditionnelle, proche du Repère des Nuages.

Parfois, c'était à se demander si le Repère s'entêtait volontairement à le suivre jusqu'à Namimori.

Il observa l'entrée un instant, cherchant comment annoncer son arrivée. Il ne pouvait décemment se permettre d'entrer sans permission. Il fit sonner l'interphone, en attente d'une réponse de l'autre côté.

Il espérait que Miharu-sama soit présente, et qu'il n'ait pas forfait une après-midi avec Arun en vain...

Aoi entendit les pas que lorsqu'ils furent proches de lui. Il se tourna pour voir l'objet de sa requête bondir derrière lui. Il se retourna complètement pour lui faire face, mettant ainsi quelque respectable distance entre eux et s'inclina traditionnellement, bien qu'il sût être prompt sans frôler l'impolitesse.

Elle le connaissait. Il ne s'y attendait pas forcément, mais il savait ne pas avoir de raison d'en être surpris. Il hocha la tête dans une forme de confirmation polie aux paroles de la jeune femme. Il était effectivement venue demander son aide. Mais il ne se voyait pas le formuler sur le pas de la porte, alors qu'elle venait de lui poser une question. Alors il y répondit humblement.

« Avec plaisir. »

Sa politesse l'emportait sur sa réserve, non pas dû à l'impression de la demoiselle, dont il connaissait les exploits, mais bien à la raison même de sa présence. Il voyait la chose comme une demande officielle, un engagement sérieux, et malgré sa bonne volonté, un éclat d'appréhension pouvait être vu dans son regard neutre. Il s'apprêtait à embarquer dans un monde dont il ne ressortirait probablement pas, sans en avoir au préalable tenu au courant sa propre famille. Quelque part, il s'en voulut d'un tel secret. Mais il savait sa décision prise et une quelconque explication ne mènerait qu'à une inévitable tentative de dissuasion, qu'il saurait douloureuse pour tous partis concernés. Si information il devait y avoir, il préférait que cela soit après que sa décision soit irrévocable. Non, il avait prit la bonne décision.

C'était sa vie à présent. Arun le lui avait révélé. Et il saurait le faire comprendre, bien qu'abruptement au début.

Il reposa le regard sur Miharu-sama, sa résolution retrouvée, et lui fit signe qu'il la suivait.

Le jeune patineur se laissa guider calmement, son regard se baladant sur le décor appréciable du jardin parfaitement entretenu, bien qu'il y eut un peu trop de monde pour qu'il puisse s'y relaxer complètement, il ne pouvait en nier l'attrait évident. Le calme y était grandement agréable; Aoi ne pensait pas qu'un tel lieu en dehors du Temple de la Carpe se trouvait à Namimori. Il n'avait décidément pas tout exploré de cette ville.

Il s'installa où il lui fut indiqué et patienta poliment que la maitresse de maison les servent. Il fit usage de l'instant de solitude pour apaiser sa nervosité. Le même schéma de réflexion se jouait dans son esprit, signe qu'il était fébrile. Il n'avait pas à l'être, vraiment. Il inspira, puis expira lentement, lorsque la jeune femme revint vers lui, souriante.

L'odeur du thé servi avec manières et attention l'apaisa presque automatiquement, et il se retrouva à baisser les paupières d'appréciation en approchant la tasse de ses lèvres. Encore un rappel du Repère, dans les gestes entrainés de la demoiselle. Sur certains points, elle lui laissait la même impression que son Aîné. Cette gaîté et cette grâce, accompagnée de cette force tranquille. La pensée amena une lueur de douceur et une pointe de nostalgie. Cela ne faisait que quelques mois tout au plus, mais son frère lui manquait.

Mais là n'était point le moment de penser à cela. Il aurait beaucoup de choses à lui conter lorsqu'ils se reverront.

Il hocha la tête doucement à la première phrase. Il n'était guère ici concernant le lycée.

« J'ai pris connaissance, » Commença-t-il, « des Flammes. »

Son ton était posé et assez calme pour ne pas ébruiter la conversation, même s'il se doutait qu'ici était un endroit sûr. Il avait conscience de la délicatesse d'un tel sujet, et de l'attention qu'il devait porter à ne pas l'ébruiter imprudemment, ce qui lui semblait parfaitement logique. Mais il préférait tout de même aller droit au but, plutôt que de se perdre. Il prit une nouvelle gorgée du délectable thé offert et déposa la tasse avec délicatesse. Mains sur les genoux, il s'inclina alors, prêt à formuler sa demande.

« Je souhaiterai que vous m'appreniez à maitriser la mienne. »

Aoi observa les réactions de son vis-à-vis avec un œil à la fois curieux, réservé et surpris. Il...Ne s'attendait pas à telle réaction, à vrai dire, mais il n'avait à en penser quoi que ce soit. Si bien qu'avant qu'il n'ait le temps de formuler quelconque pensée à cet égard, Miharu-sama retrouva son équilibre émotionnel, et s'adressa à lui le plus sereinement du monde. A nouveau, le patineur eut affaire à son aîné, mais il balaya la pensée pour se concentrer sur les paroles prononcées.

Il hocha la tête à la première phrase, quelque peu penaud, à nouveau. Au vu de son entourage, il doutait que qui que ce fut d'autre lui fasse part de ces informations, en temps normal en tout cas. Et Aoi était reconnaissant à Arun de ne pas avoir attendu une situation critique pour se confier à lui.

Une minime grimace déforma ses traits, à cette pensée inopportune. Plusieurs personnes étaient décédées, du fait de cette histoire. La situation était déjà difficile, pour les proches de ses victimes, comment pouvait-il penser que tout allait bien seulement parce que...

Il soupira, lentement, un soupir contrôlé, se concentrant un instant sur les sons calmes autour de lui pour s'apaiser. Et hocha à nouveau la tête, cette fois de façon plus solennelle. Il lui était évident que sa requête ne serait pas accepté d'office. Ce n'était là en rien un pouvoir que n'importe qui pouvait contrôler, à partir du moment où il en connaissait l''existence. Il prit une inspiration cette fois, toute aussi lente et contrôlée, avant de prendre la parole.

« Pour protéger ce qui m'est cher. » Répondit-il à la première question. Purement et simplement, il n'était pas en quête aveugle de pouvoir, il ne souhaitait le posséder que parce qu'il savait ses proches et ses valeurs possiblement menacés par cette même force. « S'il s'avère qu'une organisation défend les me$emes valeurs que les miennes, et que je peux lui être utile, oui. » Répondit-il à la seconde.

La détermination dans ses yeux était vraie. Il était résolu, et si, quelques jours plus tôt, lorsqu'Arun lui avait tout raconté, sa réponse aurait été de rester à ses côtés à tout prix, il était à présent plus lucide, et savait que rester avec pour seul objectif d'accompagner Arun comme moule à son rocher ne le rendrait que plus encombrant, en plus d'être incommodément buté et sanguin. Sa décision n'était pas prise, cependant, il pouvait toujours rejoindre Kitamura-kun, mais seulement après s'être entretenu avec lui, et partir sur des bases d'entente individuelles, plutôt que de bêtement s'imposer. Et s'il s'avérait que Miharu-sama, ou Sakamoto-sama (qui avaient tous deux un accord avec les Vongola, ce qui réglait à priori les possibles conflits entre ces familles) convenaient mieux...Il agira en conséquence.

Cette décision était bien trop importante pour être prise à la légère. Il refusait de laisser son amour pour Arun le faire devenir une gêne pour quiconque, ou pour lui-même. De plus, il pouvait faire confiance à cet amour pour résister à quelque chose d'aussi inimportant que la distance physique ou les occupations du quotidien.

Pour ce qui était de son choix de venir voir Miharu-sama...

« Vous êtes proche à la fois de mon éducation et de ma discipline, sans non plus vous y arrêter. J'ai espoir...Que vou m'aidiez à en faire de même. »

Car au-delà du patin et du roller (le prononçait-il correctement ?), c'était également l'aspect innovateur des traditions qui avait su l'inspirer, non pas pour changer l'éducation qu'il arborait avec honneur et modestie, mais surtout pour lui apprendre à ne pas simplement s'y arrêter. Là où il aurait douté que quiconque n'ayant pas une connaissance intime d'une telle culture, ne puisse réellement l'y aider.

Il releva la tête, qu'il garda dirigée vers ses genoux, dans une pose quelque peu rigide, une fois ses réponses données, et se permit de baisser les épaules, reprenant une pose adéquate pour apprécier une nouvelle gorgée de thé. Il espérait que ses raisons conviendraient, mais au moins il avait sû être honnête à ses convictions.

Aoi s'était préparé à un refus, à une remontrance, à un rappel des dangers que cela pouvait représenter. Mais il ne s'attendait pas... A ça.

Le mouvement brusque ou le changement de voix ne le surprirent pas autant que l'exclamation. Il...Avait-il prit autant de temps ?

Il ne sut quoi dire, restant là à cligner des yeux, alors que Miharu-sama lui réarrangeait sa tenue (il aurait pu le faire lui-même), mais bientôt sa stupéfaction s'envola au discours de la jeune femme, alors que son regard descendait progressivement- non, fuyait, plutôt, vers sa tasse de thé. Il...Il en était conscient, de ça. Du fait qu'il faisait tout ça pour Arun, mais... S'était-il laissé rationaliser sa décision jusqu'à se tromper lui-même ? S'était-il perdu à essayer de rendre son choix moins égoïste, alors qu'au fond, il ne pouvait en être autrement ?

Il se pinça les lèvres, ses doigts se crispant légèrement sur la tasse.

Il releva la tête vers elle, lorsqu'elle tapa des mains, le prenant comme un signe pour attirer son attention. Mais ce qui suivit le laissa...Pantois.

Arrêter de réfléchir ? ...Comment était-il sensé faire ça; ce n'était pas quelque chose d'aussi contrôlable, si ?- Non, il était en train de le faire, là tout de suite- Mais- Qu'était-il sensé faire, laisser son esprit vide ?! De la méditation ?

Sans s'en rendre compte, il paniquait quelque peu sur place, son thé sensible à ses légers tremblements, alors qu'il s'évertuait à appliquer le conseil de Miharu-sama.

Méditer. C'était son premier réflexe. Ne pas réfléchir, se...Laisser aller à son instinct, supposait-il. Ne pas réfléchir. Ne pas se forcer à ne pas réfléchir. Respirer, lentement. Se détendre, se vider l'esprit. Ne pas...

Un soupir chaud lui échappa, lentement, alors que ses tremblements se calmaient, ses paupières s'abaissèrent légèrement, alors que son regard se perdait dans le vide, quelque part dans les cheveux immaculés de son vis-à-vis, encore doucement remué par la flamme sur son front.

Il ne chercha pas à comprendre si c'était jusque là qu'elle voulait en venir, et se contenta d'apprécier la lenteur de l'instant, jusqu'à ce que ses réflexes ne reviennent...

Le jeune patineur rouvrit les yeux doucement en entendant la voix de Miharu-sama résonner à nouveau, clignant des paupières comme pour se reconcentrer sur ce qu’elle disait. C’était sûrement ce temps de latence qui l’empêcha de complètement réaliser ses propos.

Sa famille... Dans la mafia ?! De… Mais– depuis quand ? Il n’en avait jamais eu vent, comment… Son ébahissement s’accentua lorsqu’elle mentionna son aîné. Mais alors… ?

Il secoua la tête, comme pour se débarrasser physiquement des lianes qui semblaient l’encombrer, faisant voleter ses cheveux. Non, ce n’était pas le moment de se prendre la tête sur ça, il poserait ses questions à Xuan plus tard, et ramena sa complète attention vers la demoiselle.

S’entretenir avec Kitamura-san… En soi, se garantir un rôle dans l’organisation des Vongola. Une condition raisonnable et prudente. Il soupira doucement, et ramena son thé à ses lèvres. Pour être franc, il était soulagé d’une telle réponse. Il s’était préparé à un possible refus sec, mais une telle condition sonnait plus comme une promesse. Surtout compte tenu de l’expression de Miharu-sama à ses mots.

Il s’inclina à son tour, calmé et l’esprit plus clair, et opina doucement de la tête. Nul besoin d’excuses, lorsqu’elle avait de si bonnes raisons derrière ses décisions.

« Merci. »

Pour l’accueil, les conseils, et la promesse. Il releva le buste et se tint droit mais pas crispé, prêt à recevoir les instructions qu’elle acceptait déjà de lui confier.