Heyyyyyyyyyyyy, il sait comment me parler lui. Good answer, boy. Il me plaît de plus en plus celui-là.
Des étincelles vrillèrent dans le fond de mes pupilles et j'enclenchai un peu plus les poings avant de les relâcher, mes pensées s'espaçant au fur et à mesure que l'éthanol prenait le contrôle de mon cerveau.

- J'en pense que c'est parfait.

Je plaquai l'argent de mes consommations sur le comptoir et suivis le ténébreux en dehors. Un sourire dévoilait mes canines, presque animal.


Sa prestance allait-elle me satisfaire autant au combat qu'à la danse ? Il me brûlait de le découvrir.
J'adressai un signe de la main à mes amis, leur faisant un clin d'œil.

- Je reviens... Ou, au pire vous me ramasserez si l'alcool me monte trop à la tête. Comme si c'était pas déjà le c- shh.

Je sortis, donc, laissant derrière nous l'ambiance festive que notre prestation avait déclenchée dans le bar, mes anciens camarades de classe me lançant un vague signe de salut, par habitude.
Faut dire que, n'importe les années, sur certains points, je n'avais pas vraiment changé.

Nous arrivâmes sur une place de parking déserte, à quelques mètres du bar.
Nice.
Je testai mes appuis, souriant comme à chaque fois que je sentais l'adrénaline poindre en moi. Je me plaçai à la mi-centre du terrain, en position souple, poings devant. Le vent souffla. J'observais Aki, mon partenaire de la soirée, testant toujours tranquillement mes appuis.

- Le premier à terre perd. Tous les coups sont permis, tant que ça n'envoie personne à l'hôpital.

Je plissai les yeux, et l'on put voir une aura bestiale s'en dégager, tandis que ma concentration combative finissait d'achever ma raison déjà entamée par l'alcool.
Mon sourire était plus fin - plus discret -, mais toujours aussi acéré.

- En tout cas... Ce n'est pas commun, un serveur de bar aussi polyvalent.

Si ça se trouve, j'étais face à un assassin et je risquais peut-être plus que quelques bleus à le provoquer en duel.
Bah. Quelle importance.

J'étendis mes sens, me focalisant à la fois sur mon opposant et sur mon environnement.

Ce qu'on ne ferait pas pour un shot d'adrénaline.

- Quand tu veux.

Le carcajou était réveillé et prêt à l'action.

Le coup m'aurait fait rigoler, s'il ne m'avait pas volé un peu de souffle au passage.
QUELLE RAPIDITÉ ! Je sens qu'on va bien s'amuser hiii !!!

Prenant une impulsion avec le pied, je fis quelques feintes en jeu de jambes sautillé histoire de réveiller mes muscles. Je souriais, mais mes sourcils étaient froncés, et mon regard étincelait à la manière de la bête qui étudie son adversaire. Je tournais autour du brun, et, si l'alcool avait pris les mannettes de mon esprit, mon corps savait quant à lui ce qu'il avait à faire.

J'attaquai pour de vrai, jetant mon corps en une acrobatie maîtrisée, portant mon pied au niveau de son torse, puis enchaînai une série de saltos et revirements maîtrisés. Je donnais des coups aux côtes, feintais vers le visage, les genoux, donnais des coups de bousculade puis pivotais ; je tournoyais, profitant de l'espace dégagé que nous occupions. Je le baladais sur le terrain, guettant mon heure, et gardant un œil vif sur ses mouvements.
Il l'avait bien dit après tout : la danse et le combat ont basiquement la même essence. Alors je dansais. Et j'esquivais, parais. Ripostais, frappais. J'accélérais ; je ralentissais. Je choisissais quels coups je laisserai faciles à prévoir pour mieux en placer d'autres, pire qu'une vipère. L'alcool me rendait plus fourbe ; plus mordante. Ma tête bourdonnait d'adrénaline et de l'éthanol qui pesait dans mon sang. Et je souriais.

J'allais faire sortir de ses gonds l'animal et son élégance teintée de noir. À quoi bon se battre si l'autre ne s'y donne pas à fond ? La meilleure façon d'être sûre de son implication est de le retrancher dans ses solutions.
Sobre, j'aurais très certainement élaboré une stratégie imparable pour foutre Aki au pied du mur. Alors j'optais pour une imprévisibilité mêlée de chance et de roublardise amusée.

Je voulais voir les autres casquettes de ce serveur.

Telle une anguille, les coups glissaient sur moi ; je me glissais pour rompre la garde d'Aki, mais lui-même s'échappait avec agilité. Les coins de ma vision s'étaient obscurcis mais mon équilibre était plus simiesque que jamais, bien qu'un peu imprévisible - même pour moi. Sans l'alcool, je crois que j'aurais été au moins trois fois plus vive que là, mais je dois avouer que je m'amusais bien à danser autour de mon opposant. Il fallait dire qu'il se débrouillait plutôt bien... Mais, moi, je voulais voir ses limites !!

Je me sentais comme une gamine, et en même temps comme une bête vicieuse qui ne souhaitait qu'une chose : se fondre avec les ombres et se battre en leur sein. J'avais très chaud au crâne et la gorge affreusement sèche, la bouche pâteuse, mais un sourire toujours installé sur mes lèvres craquelées par l'adrénaline. J'évitais les paumes ; on évitait mes attaques malgré mes feintes. Je m'amusais comme une petite folle. Oui folle, folle que j'étais. La lune transperça quelques nuages et balaya le parking que nous animions par notre petit spectacle de coups et de ruses. Je ne réfléchissais plus avec des mots mais avec des images, des frappes ; tout ce mélange sensible donnait un rythme nouveau à la fébrilité de mes neurones alcoolisés. Mon cœur frappait une mesure marquée ; mon devoir était de l'harmoniser avec mon environnement tout en l'adaptant à mon adversaire.

Profitant de l'élan d'une de mes esquives, je pris appui sur le sol et fis un violent balayage de la jambe en ciblant les pieds du serveur de l'ombre. J'étais d'humeur pirouettante ; sobre, j'aurais fait preuve d'une plus grande économie d'énergie, mais si le sérieux de mes coups était empreint de dangerosité, mon aura mêlait combattante et fêtarde.
J'étais là pour l'amusement et le défi, plus que pour la castagne pure et dure. Je voulais tester Aki et me tester par la même occasion. Je me rétablis sur mes pieds d'une impulsion de la main, garde en place et carrément enthousiaste.
ALLEZ, MONTRE-MOI CE QUE TU AS DANS LE VENTRE !!

Je le vis arriver comme une flèche. J'ancrai mon pied droit en arrière, prête à esquiver ou à bondir loin de la ruse que je le sentais préparer, la tête dodelinant légèrement au rythme de mon sang alcoolisé.
Il arriva, mais j'étais prête. Je pirouettai, sautant sur un pied pour asséner un coup du tibia droit dans les côtes du danseur tout en évitant son coup de balayette au sol, puis pirouettai en arrière pour esquiver son coude tout en ripostant férocem-

Le bout de mon pied se prit la balayette, assez pour me déséquilibrer. Merde alors, pourquoi je n'ai pas réussi à bondir plus haut et plus rapidement ? C'est l'alcool qui m'alourdit soudainement autant les muscles ? Fuck, pile quand ça devenait intéressant ! RAHHH ! Mon esprit éveillé par le combat voyait parfaitement venir les coups, mais mon corps n'était pas aussi vif. Je me pris le coude en plein diaphragme, finissant de me faire basculer vers l'arrière. Le bon point fut que j'évitai ainsi le coup destiné à mon nez.

Ma chute me sembla à la fois brutale et au ralenti. J'avais de toute manière le souffle coupé, et l'engourdissement de ma masse de chair commençait à se diffuser et embrumer mon esprit qui n'était resté jusqu'ici affûté que pour la victoire ; mais elle acheva d'expulser le peu d'air qui était resté prisonnier dans mes poumons.
J'étais assommée.

Putain... Ça m'apprendra à picoler autant alors que j'aurais pu profiter de ce combat encore plus longtemps. Qui aurait soupçonné ce serveur d'avoir de telles appétences au combat, aussi ? Si j'avais su, j'aurais pris au moins deux verres de moins. J'avais l'impression d'avoir des sacs de sable à la place des muscles, c'était terrible.

- Oof...

Je redressai péniblement la tête, luttant contre la gravité qui semblait vouloir convaincre mon corps de rester étalé comme un sac à patates. Mais, pas question ! Il me reste assez de conscience pour ne pas m'évanouir sur un parking désert ! Enfin... Je crois ? P'tain j'ai la vision trouble. Je me passai une main sur le crâne, la respiration râble. J'avais envie de rigoler de la situation, mais mes poumons étaient trop en pls pour me permettre plus que quelques tressautements du diaphragme. Je réussis à redresser mon buste, assise au sol.

- ... J'crois que j'ai trop bu... , marmonnai-je entre la grimace prononcée et le rire essoufflé.

Captain Obvious.

Je vis la main tendue dans le coin trouble de ma vision engourdie, et ma main la serra d'abord mollement puis plus fermement alors que je me remettais sur mes guibolles. P'tain, pourquoi faut-il que le sol tangue comme ça d'un coup ? Quelle daube l'alcool ! On ne peut pas être ivre et en pleine possession de ses moyens ?!!
Je grognai à la positive à la demande du serveur. Crois-moi mon gars, t'es pas le seul à être déçu de la déficience de mon corps alcoolisé. Bon sang ! Encore un peu et le générique des Télétubbies risque de tourner en boucle dans mon crâne. Le pire étant que je risque d'aimer ça, dans mon état mental actuel.

- Euh.... , fis-je très intelligemment face au dilemme qu'il venait de me poser.

Mais, heureusement, mes supers amis vinrent à la rescousse ! Je vis leur frimousse sortir du bar et se diriger vers nous. Haha, prr, pourquoi j'ai envie de partir dans un fou rire en voyant leurs trognes ? HAHAAAAAAAAAAAAAAA-
Mon rire resta mental.

- Ben... j'crois que ce s'ra pas d'taxi pour c'te fois. , ricanai-je d'un ton pâteux. yOOO ! , fis-je à l'attention de mes potos d'amûr.
- Alors, qui a gagné ?

J'désignai l'serveur du doigt avec un grand sourire crâneur qui n'avait pas sa place dans la discussion.

- Et même que c'tait troooop bien !

J'aurais donné une tape dans l'dos d'mon cher adversaire si j'me sentais pas aussi ramollie du p'tit pois.
Si mes amis parurent surpris quant à la nouvelle d'ma défaite, j'crois qu'ils pigèrent qu'j'étais pas trop fraîche et vinrent m'soutenir comme si j'tais refaite.
Alors qu'j'm'éloignais, j'lançai, fort inspirée vers le dandinet :

- ♬ RDV LA S'MAINE PRO POUR UN AUTRE COMBAT, MON P'TIT CORBEAU NINJAAAAAHAHAAAA ♬

J'pensais que j'aurais oublié mon lancer de défi puisque le reste de la soirée jusqu'à l'atterrissage dans mon appartement se résume à un gros flou noir, mais, non, mon cerveau avait précieusement enregistré l'information. Que l'autre eut été consentant ou non.
J'crois que je vais lui demander toutes les semaines tiens.