Willow rassembla dans de gestes rapides ses cheveux fins dans une queue de cheval. Courant à travers son cabinet, elle rassembla en vitesse les instruments dont elle aurait besoin. D’habitude, elle avait déjà un sac paré à toutes les éventualités et premiers soins de prêt. Seulement, elle avait profité d’un début de nuit tranquille pour désinfecter et vérifier ses différents outils.

On toqua sur la porte. Elle ne se stoppa pas pour répondre, mais jura bruyamment à la place. La rousse avait déjà une urgence sur les bras, ce n’était pas la peine d’en rajouter une autre. Et pourtant, si celui qui avait toqué était bien plus blessé, ou important que son patient actuel, le choix serait vite fait. Elle enverrait ce dernier à l'hôpital, bien que ça l'embête. Seulement, dans ses moments-là, elle ne pouvait pas se permettre d’hésiter. Les secondes étaient mortelles.

Elle soupira quand la porte s’ouvrit sur Oscar, son grand-frère. Elle lui sourit et continua sa tâche. Enfin, tout était prêt, elle pouvait rejoindre son client. Willow ferma son sac et le cala sur son épaule. Ensuite, elle attrapa les précieuses clés de sa fidèle moto posé sur une table et se dirigea vers la sortie.

“Tu t’en vas?
-Ouais, j’ai une urgence. Un môme s’est fait poignarder. Je te confie le cab’!”

La jeune femme zieuta sa montre tandis qu’elle descendit les escaliers quatre à quatre. Y avait pas le temps pour l’ascenseur; elle avait déjà perdu bien du temps. Dans son élan, elle pria pour ne pas se ramasser. Tomber dans les escaliers aurait été d’un comble!

Bref. Le gamin l’avait appelé il y a de ça cinq minutes, totalement affolé. Willow l’avait calmé. Jugeant ses blessures sur ce qu’il lui avait dit, enfin de ce qu’elle avait compris à travers son récit, elle lui avait vivement conseillé de l’attendre. De ne pas appeler les secours. De toute manière, Willow savait très bien qu’il ne l’aurait pas fait. Le monde de la nuit ne côtoyait pas le public sans conséquences. Le môme n’était pas prêt à les recevoir.

Posant lourdement son bagage dans le mini coffre de sa moto, la jeune femme mit son casque, s’installa hâtivement et démarra en trombe. Elle connaissait à peu près le chemin. La chirurgienne avait eu un an pour parcourir les rues de Namimori et les apprendre par cœur. Apprentissage inutile pour un citoyen lambda, mais pour Willow, cela était une nécessité dont elle ne pouvait se passer. Ainsi, au lieu des grands boulevards et de la circulation qui l’aurait gênée, elle emprunta des petites rues. Grilla quelques feu rouge qui la dérangeait.

Elle fut sur les lieux du crime exactement huit minutes après avoir quitté son antre. En entrant dans la ruelle, elle fronça les sourcils, soudainement sur ses gardes. Il y avait deux personnes. Celui qu’elle devinait être son patient, dos appuyé sur le mur et une femme, inconnue. Il n’avait pas parlé d’elle. Qui était-elle? Une amie? Une ennemie? Willow ralentit sa bécane jusqu’à se stopper totalement. Elle scruta son environnement à travers la visière de son casque. Ils n'étaient que tous les trois, personne d’autre en vue. Bien. Elle se gara rapidement et retira son casque, tout en évaluant la situation devant elle.

Le gamin était vraiment mal en point. Extrêmement pâle, une bonne flaque de sang s’était formée sous sa jambe. Sa respiration était saccadée et difficile. Des traces de sang sur la ruelle, la rousse en déduisit qu’il s’était traîné jusqu’au mur, puis l’avait appelé en urgence, le téléphone était toujours dans sa main. Prenant son sac, elle se rapprocha rapidement des deux personnes. Ils parlaient. Lui avait du mal à répondre, mais était toujours à demi-conscient. Elle s’accroupit à leur hauteur.

“Yoshio, dit-elle avec douceur, c’est moi. Désolée du retard. ”

Il ne réagit pas des masses, ce qui l'inquiéta. Elle jeta un regard à la brune aux yeux bleus. Lui sourit chaleureusement. La jeune femme avait serré un garrot au niveau de la blessure. Faisait cela, elle lui avait probablement sauvé la vie.

“Merci d’avoir gardé cet idiot en vie.”

Elle entendit un vague grognement de la part du jeune homme. Ah. Bien. Une réaction.

“Je prends le relai.”

Willow, dans le plus grand des calmes, comme isolée du monde extérieur, commença son travail. D’abord, inspecter les blessures. Une odeur d’alcool lui emplissait les narines et provenait de la blessure du jeune, recouverte par la main de la brune. Willow prit celle-ci et la décala doucement. Elle observa la blessure. À vu d’oeil, elle était profonde. Il faudrait qu’elle s’en occupe rapidement.

La rousse lâcha la main de la jeune femme et farfouilla dans son sac. Elle en sortit un linge propre et le tendit à la brune.

“Appuie sur sa jambe avec.”

Cependant, les râles agonisant du jeune l’alarmait davantage. Faudrait pas que le gamin arrête de respirer et clamse alors qu’elle le recousait. Yoshio semblait avoir du mal à respirer. Elle fouilla rapidement dans son bagage et en sortit une paire de gant et un scalpel. Elle les enfilait précipitamment, et, d’une main experte, coupa le tissu.

Elle y vit plusieurs hématomes. La jeune femme les palpa, causant un gémissement de la part du japonais. Ensuite, elle vérifia les côtés. Résultat, plusieurs étaient cassées. Mais aucunes ne transperçaient le poumon. Elle souffla. C'était une putain de bonne nouvelle. Le gamin lui attrapa fébrilement la main. Ses yeux plus morts que vifs était emplis de détresse.

“Je sais, ça fait un mal de chien. J’ai besoin que tu combattes la douleur. Tu peux faire ça?”

Il hocha faiblement la tête. Elle prit sa main et la posa délicatement sur le côté. Puis, elle vérifia rapidement les autres membres. Ne détecta aucune autre blessures qui lui seraient fatales, à part quelques coupures dont elle s’occuperait plus tard.

Maintenant, elle avait un autre problème. Elle pouvait le recoudre dans la rue, elle l’avait déjà fait. Seulement, c’était loin d’être un endroit approprié pour le faire. Secundo, si un curieux décidait d’emprunter la rue et d’avertir les urgences, ils auraient de sérieux problèmes.

Willow se tourna vers la personne en face d’elle, et la fixa sérieusement, l’étudia presque. Elle décida de lui faire confiance, pour le bien du gamin. De toute manière, l’inconnue l’avait vu faire, s’était trop tard.

“Dis… t’habites dans le coin, à moins de cinq minutes? Je pourrais l’opérer maintenant, mais pour des raisons évidentes, je préférais le faire à l’abri des regards.”

C’était dans de telles situations où une bagnole lui manquait cruellement.

Elle n'eut pas besoin d'attendre la réponse de la jeune femme devant elle. Sa partenaire de galère pour un soir, sa -peut être- infirmière d'une nuit. Oh, Willow pouvait tout gérer seule, y avait pas de soucis à se faire. Mais avoir une aide, c'était bénéf'.

"J'habite à un pâtée de maison d'ici."

Bonne nouvelle. Excellente même. La chirurgienne en était rassurée. Elle n'aurait pas à s'inquiéter d'éventuels passants, qui paniqués, appelleraient les forces de l'ordre (elle n'avait vraiment pas envie qu'ils se mêlent à sa vie), ou d'ennemis qui reviendraient pour finir ce qu'ils avaient commencés.

"Par contre.... Tu as conscience que le déplacer risquerait de lui aggraver des trucs ?"

Willow hocha la tête. Oui elle en était parfaitement conscience. Mais la rue était un ramassis de microbes qui pouvaient nuire à la santé du jeune homme. Si possible, elle voulait éviter qu'il ne choppe une infection.

"Je sais. Fais-moi confiance, je sais ce que je fais."

Elle avait checké l'état du gamin. Le garrot était bien en place et serré comme il fallait. Bon, avec un du tissus c'était pas optimal, mais le temps comptait. Il survivra au voyage. Fallait juste pas qu'il s'évanouisse entre temps et qu’elles soient rapides.

"Il va juste falloir faire gaffe à ses côtes, il en a plusieurs de cassées."

Ce n'était pas dans son habitude de donner son diagnostic. Là, elle sentait que c'était nécessaire. Comme cela, elles feront toutes les deux attentions. Elle lança un regard à son patient. Lui sourit en guise d'encouragement.

Pour se conforter dans sa décision, la jeune lui prit son pouls. Faible mais régulier. Elle zieuta la plaie. Le sang coulait toujours, inexorablement mais lentement. Tout irait bien. La jeune femme n'habitait pas loin, selon ses dires. Ça ira.

Elle rangea son scalpel, enleva ses gants qu'elle mit dans la poche arrière de son jean et mit son sac à l'épaule. Puis, avec l'aide de la brune, elles relevèrent doucement le blessé. Putin, il avait son poids. Avec celui-ci plus celui de son bagage, la jeune sentait qu’elle allait se fatiguer rapidement. C’était pas si grave. Il gémit dans un râle de douleur. Elle lui adressa un regard, inquiète.

La jeune laissa sa partenaire les guider vers chez elle tandis que Willow scannait sans cesse l'état du gamin. Il était à deux doigts de sombrer.

"Oi Yoshio, accroche-toi. On est bientôt arrivés, ok? Parles-moi. Dis-moi…. C'est quoi ton dessert favori?"

Les minutes qui suivirent furent longues. Beaucoup trop longues. Ils marchèrent aussi vite qu'ils pouvaient, pas assez au goût de Willow. La jeune femme continua à lui faire la conversation, et éviter qu’il tombe dans l’inconscience.

“On est bientôt arrivés?, demanda-t-elle à la brune”

“Nous y sommes. Hey gamin, accroche-toi encore un peu et t'auras l'droit à des cookies.”

Willow sourit. En effet, et heureusement d’ailleurs, l’appartement de la brune était vraiment pas loin de la sombre ruelle. La jeune femme commençait à fatiguer de porter le jeune homme, savoir qu’ils arrivaient était une bonne nouvelle.

“Moi aussi j’en aurais le droit?”

Elle n’avait pas faim en soi. La gourmandise s’exprimait juste et des cookies, s’était toujours bon et jamais de refus, en plus d’être une excellente récompense pour un dur travail. Willow ne sautait jamais une occasion de manger du chocolat, quatrième amour de sa vie.

Ils étaient arrivés devant l’immeuble pour vivait sa compagne de galère. Une mini-tour de trois-quatre étage dans un lotissement plutôt calme. A sa plus grande joie, la plupart des volets et rideaux étaient fermés. Elles n’auront pas à gérer des témoins indiscrets.

Ils passèrent le portail et une mini-cour. Willow ne prit plus vraiment le temps d’observer les lieux -elle en aura le tout le temps plus tard- et se focalisa sur son blessé. Pendant que la brune cherchait ses clefs (enfin ce que Willow supposa être des clefs, puisqu’ils avaient la porte à passer) elle parla au japonais, le gardant éveillé. Il pâlissait, fallait qu’elles se dépêchent.

“Je suis au premier étage. Pas de souci pour les voisins au rez-de-chaussée, ce sont des vieux qui se couchent à l'heure des poules. Même un bulldozer n'arriverait pas à les réveiller. Pour les autres au-dessus..... Suffit de pas faire de bruit.”

Willow ne put s’empêcher de rire doucement lorsque son interlocutrice parla de ses voisins; et hochant la tête elle prit en compte les informations données. Fallait juste être discret hein? C’était pas compliqué. Elle suivit la jeune femme à l’intérieur de l’immeuble. Comme elle s’y attendait, l'escalier était la partie la plus terrible. Son manque de souffle et de force l'exaspérait. Elle nota dans un coin de sa tête qu’il fallait qu’elle fasse plus de sport.

Ils passèrent enfin la porte de l’appartement. Willow soupira de soulagement.

“Canapé ou table de cuisine ?
-Attention, je le lâche. Tu le tiens?”

Bon d’accord, c’était pas exactement la réponse que la brune attendait, mais Willow voulait d’abord inspecter vite fait les lieux. Quand elle fut certaine que sa camarade portait bien le gamin, elle se retourna pour fermer la porte de l’appart -pas question de se faire questionner par des voisins trop curieux- et fit un rapide état des lieux, en courant presque.

“Cuisine. Tu peux l’installer sur la table?”

Quant à elle, la jeune chirurgienne se prépara. D’abord, se laver les mains. Puis prendre une bassine d’eau froide. Check. Mettre des gants et un masque? Check. Installer les différents outils dont elle aurait besoin sur un coin de la table? Fait aussi. La jeune femme se détentit. Après tout ce trajet, elle était dans son élément. Elle reprit son souffle.

“Au fait, dit-elle en souriant, moi c’est Art'. Enchantée de te rencontrer… dans de telles circonstances.”

La jeune femme inspira un bon coup avant de commencer, replongea dans sa concentration et revoyant vite fait les étapes à suivre. D’abord laver, désinfecter, explorer, faire du parage et suturer. Easy-peasy. Comparer à ce qu’elle devait parfois se coltiner, là, c’était facile. Relativement facile. Cela ne devrait pas prendre longtemps. Une heure. Voir une heure et demi.

“Au fait…. si jamais tu veux aider, c’est avec plaisir.”

Elle montra du menton les instruments. Dans ses doigts, elle fit rouler une seringue remplie d’anesthésiant. Ça n’allait pas assommer entièrement d’adolescent, mais il n’allait rien sentir au niveau de sa blessure. Elle l'espérait, les dosages avait été fait pour une personne lambda. Ça devrait le faire.

“Tu devras juste me filer les différents instruments, le calmer s’il panique et me dire si jamais il arrête de respirer… Ce qui n’est pas prêt d’arriver, je te rassure. Et y a des gants dans mon sac.”

Sans attendre la réponse de la jeune femme, Willow se mit au travail.

Elle travailla en silence, comme dans son cabinet. C’est comme si elle y était en fait. Seules les respirations saccadés de Yoichi et celle, plus calme, de Mikasa lui rappellèrent qu’elle n’était pas chez elle. Elle se reconcentra uniquement sur ce qu’elle faisait, ne donnant plus vraiment d’attention au gamin. Son assistante d’un soir lui paraissait être quelqu’un en qui elle pouvait avoir confiance pour ce genre de chose. Mikasa avait gardé en vie le jeune en plus de les permettre de squatter son appartement le temps de le remettre sur patte. Une âme charitable comme on en voyait que rarement.

Willow appréciait également l’absence de question qui n’aurait fait que de la gêner. Elle était certaine que Mikasa brûlait d’envie de lui en poser; c’était naturel, et d’autant plus dans cette situation. En revanche, la rousse était désolée pour elle. Vraiment. Elle ferait de son mieux pour satisfaire sa curiosité. En revanche, certaines interrogations ne pourront trouver leurs réponses. Il y avait certaines choses qui devraient rester inconnus. La rousse pouvait se tromper - et c’était sûrement le cas, dans cette ville personne n’était réellement ce qu’il prétendait être, sauf pour certains évidemment- mais Mikasa n’avait pas l’air de ceux qui trempaient dans les affaires louches. Ce n’était pas à Willow de lui faire entrevoir ce côté sombre de la ville.

Elle continuait d’avancer dans sa tâche. Le fait que le jeune n’hurlait pas de douleur alors qu’elle désinfectait soigneusement la plaie était une bonne nouvelle. Ça voulait dire que l’anesthésiant avait bel et bien fonctionnée. Au moins maintenant il pouvait s’occuper de bien respirer au lieu de se focaliser entièrement sur sa jambe.

“Ça va aller les enfants, relâchez un peu la pression et amusez-vous.”

La soudaine voix la surprit. D'où est-ce qu'elle venait? Elle n’eut pas le temps de se retourner que le pire arriva. Un juron prononcé dans sa langue maternel quitta ses lèvres alors que ses jambes la lâchèrent, sous l’effet d’une douleur qui la transperça brutalement. Willow s’effondra sans douceur sur le carrelage de la cuisine. Elle avait peine à enregistrer ce qu’il venait de se passer. L’action avait été si implacable. Tellement imprévisible et totalement impossible. Tirer dessus? Elle venait de se faire tirer dessus. Comment? Pourquoi? Par qui? Elle se sentait rapidement partir. Ses paupières lourdes se fermèrent.

Non!

Elle pouvait juste pas mourir. Pas maintenant, pas comme ça. C’était juste pas possible. Mais comment se battre contre l’inévitable? Récupérer d’une balle dans la tête, c’était une question de chances, et la probabilité était si faible. Le visage de ses frères apparurent dans sa tête. Elle pouvait pas les laisser. Pas eux. Ni ce gamin sur la table d’opération. Ils avaient besoin d'elle. S’il n’était pas recousu au plus vite il allait y rester. Elle pouvait pas laisser ça arriver. Elle ne devait pas le laisser dans cette état.

Brusquement, une flamme verte apparut sur son front tandis que ses vêtements explosèrent, la laissant dans une tenue plus que légère. D’un coup, elle se releva. Ses yeux étaient fixés sur la blessure; elle ne faisait attention qu’à ça. Elle avait l’impression que ce n’était là que son seul but et que si elle ne le réalisait pas, elle en mourrait. Sauver ce gamin. Elle s’attela à sa tâche, rapidement. Ses gestes étaient vifs, cependant, ça n’enlevait rien à leur précision. Willow avait l’impression qu’autour d’elle, le temps s’était figé. En un peu moins de cinq minutes, la blessure était cousue, propre et protégée par un pansement. La jeune chirurgienne n’eut pas le temps d’admirer son travail. Deux secondes plus tard, elle s’effondra, plongée dans un profond sommeil.

 
Quelle journée. Enfin, quelle nuit plutôt. Il n’y avait pas à dire, celle-ci avait été mouvementée. Elle avait pourtant commencée si calmement et il avait fallu qu’un gamin l’appelle pour le secourir (bon… elle s’en plaignait mais vraiment, elle adorait son job). Ce qu’elle avait fait, évidemment. Puis elle était rentrée chez elle pour dormir. Bon. Elle retirait, ça avait été une soirée calme. Une opération en une nuit, c’était tranquille.

Stop. Comment est-elle rentrée au juste? Willow n’en avait aucun souvenir, et seul le matelas en dessous lui dictait qu’elle avait réussi à trouver son chemin d’une manière ou d’une autre. Elle ouvrit les yeux, sentant que quelque chose n’était pas à sa place.

“Eh?”

Les yeux embués de sommeil, elle constata, confuse et paniquée, qu’elle n’était pas chez elle. Willow se redressa soudainement en ramenant le plaid contre elle. Elle était en sous-vêtement dans un appartement inconnu. Qu’est ce que- oh. Ca y était, les souvenirs affluaient, dissipant sa visible confusion et la réveillant complètement.

 Elle s’était faite tirer dessus et avait recousu le gamin dans la foulée, avant de s’évanouir. Elle posa une main contre son front, choquée, s’assurant qu’elle était bien en vie, cherchant une éventuelle blessure. Rien. La peau était parfaitement lisse. Ca lui rappelait immédiatement le samedi qu’elle avait passé avec Sutton. Quand elle lui avait tiré dessus, il s’était effondré, était revenu, avait rushé pour faire des vidéos et s’était évanoui juste après. Il s’était passé la même chose cette nuit.
C’était totalement dingue. Juste dingue.

Le fou furieux qui lui avait tiré dessus les avait prévenues. Et il avait eu raison. Au final, ça s’était bien passé. Elle l’avait sauvé ce gamin. Elle espérait juste que son état ne soit pas dégradé pendant son absence. Il n’y avait pas de raison. La chirurgienne avait traité la blessure qui mettait sa vie en danger.

Willow s’assit au bord du lit et s’entoura du plaid. Regardant à terre, elle remarqua les vêtements posés à côté du clic-clac. Ils ne lui appartenaient pas. Où étaient passés les siens? Bah. Ça n'avait pas d’importance. Elle fit tomber le plaid de ses épaules et enfila rapidement le jogging et le t-shirt. Elle flottait dedans; les fringues étaient grandes. Hm. Elle rentra le t-shirt dans le pantalon et serra celui-ci à la taille avec les cordons. C’était mieux.

Elle s’avança vers Mikasa, en tailleur sur le sol. La rousse la rejoignit dans sa pose et fixa vers la cuisine.

“Comment il va?, demanda-t-elle doucement, la voix encore ensommeillée”

“Toujours dans les vapes mais sa respiration est régulière.”

Willow soupira de soulagement et rendit un sourire fatigué à la brune. Elles avaient fait du bon travail. Le gamin était sauvé, il vivra un autre jour. Il faudra quand même qu’elle check son état avant qu’il ne parte. En fait, carrément voir s’il était apte à partir, ou si elle devait appeler quelqu’un pour le chercher. Ça ne l'arrangeait pas. De un, la rousse n’avait pas envie d’avoir à faire avec des bandits de si… bon matin? Elle n’avait aucune idée de l’heure qu’il était. Bref, comme elle venait de se lever, c’était son matin. Deuxièmement… elle n’était pas dans son cabinet. Elle ne pouvait pas impliquer plus Misaka dans cette affaire.

“Et toi alors, bien dormi, ô belle inconnue ?
- Plutôt bien, ouais. Ton canap’ est confortable. Et toi, bien dormi?”

Pour une fois, elle se sentait reposée. En même temps, il n’y avait eu personne pour la réveiller, et si son téléphone avait sonné, elle ne l’avait pas entendu, plongé dans un profond sommeil. Willow devrait faire plus de nuit comme celle-ci. Elle bailla. Ah. Le stress du réveil et des événements antérieurs passés, l’envie de fermer les yeux encore pour un moment revenait. Elle quitta la brune du regard et fixa un point devant elle, les yeux dans le vide. L’atmosphère calme et posée de l’appartement l’endormait.

“Chuis rassurée que la balle tirée par l'autre dingos ne t'ait pas grillé la cervelle, en tout cas.”

Son attention se reporta sur Misaka. Willow était aussi rassurée qu’elle d’être en vie. Mourir maintenant c’était… Ce n’était pas vraiment dans ses plans immédiats. Elle avait encore des personnes sur qui veiller. Comme ses frères. Ou le gang et cet idiot de Sutton. La chirurgienne s’était attachée à eux, plus qu’elle ne le voulait.

Par contre, le fait qu’un dangereux individu se promène dans Namimori et tire sur des gens l’inquiéta. Il faudra qu’elle aille prévenir Rihan.

“J'ai fait de la tisane, si tu veux... Sauf si tu préfères le café ? Tu dois avoir faim après tous ces événements...? Je comptais moi-même manger un bout à l'instant.
- Je suis affamée, répondit-elle en souriant, du café serait parfait.”

Ah. L’une de ses addictions. La jeune femme aurait eu du mal à suivre son rythme de dingue et à survivre les longues nuits et journées si ce n’était pas pour cette boisson chaude. Oscar, l’aîné de la fratrie, lui avait déjà conseillé d’y aller mollo. Elle ne l’écoutait pas.

La jeune femme observa Mikasa se lever et s’étirer. Ses mouvements étaient fluides et souples. Willow pouvait deviner les muscles sous sa peau caramélisée. Elle sourit. Voir quelqu’un qui prenait soin de son corps, c’était pas coutume. Son hôte disparut quelques instants dans la cuisine. Willow resta par terre, peu décidé à faire quoi que ce soit.

Voyant que Mikasa revenait avec le petit-déjeuner et s'installa dans le salon, la rousse se leva. L’appel de la nourriture était trop fort et si elle ne se bougeait pas, son estomac finirait par protester. Ça avait l’air bon. Beurre, confiture et toasts, qu’elle devinait en train de griller. Willow n’avait pas l’habitude de manger autant en début de journée. Elle faisait un effort le week-end. Sinon, elle prenait juste du café.

“ Il faudra que je parte dans l'après-midi car je donne des cours.
- Pas de problème. Tu donnes des cours sur quoi au fait, demanda-t-elle, curieuse.”

Oh.

“Merde, reprit-elle. Je suis censée travailler aussi. Il est quel heure?”

Willow avait totalement oublié le lycée. L’administration avait dû l’appeler. Sauf s’il était suffisamment et que les cours n’avaient pas commencé. Mais elle n’avait pas trop d’espoir là-dessus. Bon après, ce n’était pas si gênant. Les matins, elle les passait souvent à dormir, sauf quand les lycéens venaient squatter.

“.Du coup... Ça t'arrive régulièrement de sauver des mômes comme lui ?”

Ah. Le temps des questions arrivaient. La jeune femme se tourna vers Mikasa, et lui sourit. Que pouvait-elle lui dire qui ne risquait pas de l’impliquer davantage? Hm… Elle ne pouvait lui mentir déjà, la brune l’avait vu agir. Ses gestes étaient bien trop précis et rapides pour qu’elle lui dise que cela n’arrivait pas souvent. Ils trahissaient l’habitude.

“Peut-être bien. Peut-être pas. Qui sait?”

Ouh. Ok, elle aurait pu mieux répondre. Personne ne serait satisfait de ça. Mais bon, maintenir un voile de mystère serait mieux que plonger la jeune dans le bordel qu’était Namimori, surtout si celle-ci n’en savait rien. Enfin, il y avait pire comme bordel. En soit, la ville était plutôt calme.