La jeune marraine se laissa faire. Elle était prise de milliers de petits soubresauts, de petites inspirations anodines mais qui montraient bien la difficulté qu'elle avait à rester sereines. Elle se sentait tellement mal que ça en devenait quelque chose de catastrophique. Elle ne savait pas comment gérer ce genre de chose. Après tout, elle était fille qui n'était jamais triste, avec beaucoup d'émotions mais peu de sentiments. Elle ne savait même pas comment mettre en place ce genre de choses. Est-ce qu'elle était … triste ? Visiblement. Cela devait durer depuis maintenant un moment. Cependant, le lapin avait éveillé cette trop grosse part d'elle oubliée, laissée derrière sans un regard. Après tout, il fallait toujours avancé, ne jamais s'arrêter, ne jamais faire le point pour pleurer. C'était comme ça qu'on l'avait instruite, construite. Elle s'était laissée faire, jusqu'ici ça lui allait.

Même si elle pleurait souvent, c'était de la gêne, de l'inquiétude, un trop pleins d'émotions, mais jamais, jamais ça n'avait été un sentiment. En fait, elle se rendit compte à cet instant, alors que la chanson de Saphire commençait à rentrer dans son esprit, qu'elle était peut-être bien plus affectée par tout ça qu'elle ne le croyait. Ça remettait en doute tout ce qu'elle refusait de penser. Est-ce qu'elle avait vraiment envie d'être mafieuse ? Marraine ? Absolument pas... Elle voulait partir à l'aventure avec ses amis. Découvrir des lieux, réussir des challenges, mais clairement pas tenir une mafia. Elle n'avait pas le choix, elle le savait. Elle savait aussi que c'était un bon moyen pour plus tard réaliser ses souhaits, mais ça... ça ne lui allait pas si bien au final. Elle était peut-être juste incapable de dire non.

La demoiselle s'interrompit dans ses réflexions quand une chaussette parla. Elle cligna des yeux puis laissa un petit sourire passer sur ses lèvres. Elle regarda Saphire. Elle était ventriloque... c'était génial ! Sans le vouloir ses larmes commençaient peu à peu à se calmer, elle passait ce sentiment de malaise, l'enfouissant encore très profondément. Elle n'avait malheureusement pas le temps pour ça. Elle le savait bien.

A la place, elle se laissa calmement faire avec le mouchoir. Ses larmes coulaient encore, son corps refusait de faire l'impasse sur ce qu'elle refusait de voir. Elle restait dans une forme de déni, en tout cas jusqu'à ce qu'elle puisse y faire quoi que ce soit.

La demoiselle se laissa doucement bercé. Toutefois, son sourire ne disparut pas. Au contraire, elle sentit le réconfort dans les mots de la demoiselle. Elle hocha la tête avec une douceur incroyable. Décidément, tout lui allait bien quand elle entendait les mots de Saphire. Avec calme, elle finit juste par se blottir contre la demoiselle.

« Oui... tu es humaine, et tu as la chaleur des hommes. »

Elle sentit de nouveau les larmes couler sur ses joues, mais cette fois, c'est un rire qui sortit d'entre ses lèvres... Elle avait besoin de parler, elle avait furieusement besoin de parler.

« Tu sais... J'ai que quinze ans mais... mais c'est ma toute première année dans une école... ? Avant j'étais à l'hôpital et... et je me préparais pour devenir une personne influente le plus vite possible... Par ce qu'on m'a dit que c'est ce que je devais faire... et que sinon quelqu'un le subirait à ma place... Par ce que j'aurai été trop faible pour prendre cette place... Donc j'ai pas voulu que quelqu'un ait mal pour moi... Je... je voulais pas être responsable de ça... »

Elle éclata en sanglot et mit ses mains sur les oreilles du lapin comme si elle voulait le faire pour elle, comme si le lapin à cet instant, c'était elle.

« … Mais au final, j'ai sauvé la vie de quelqu'un mais... Mais des gens … que j'aime ! Que j'aime très fort ! Ils sont morts... Ils sont morts alors que je me devais de les protéger ! »

Elle rit tout en pleurant, cajolant toujours le lapin, tout en restant dans les bras de Saphire.

« Ils sont morts par ce que je n'ai rien pu faire... » Elle serra les lèvres : « Est-ce que... au final... j'aurai pas mieux fait de laisser ma place à quelqu'un d'autre ? Est-ce que j'ai vraiment le droit d'être ici ? De sourire ? Alors que...Que mes amis sont morts ? »

La demoiselle apprécia. Elle écouta ses mots d'une douceur surprenante. Jamais elle n'avait été rassurée à ce point, mise en confiance aussi vite... Megu-chan avait eu ce genre d'effet sur elle, mais pas au point qu'elle lui raconte tout sans chercher une seule fois à s'expliquer... Oui, la demoiselle était perplexe. Cette lumière dont parlait Saphire, elle avait l'impression que c'était quelques choses qu'elles avaient en commun. Alors tranquillement, elle passa ses bras autours du corps de la demoiselle et lui fit un câlin. Comme un enfant, sans aucun jugement ou même sans chercher ce qu'un adulte pourrait chercher d'une telle étreinte.

Non, elle faisait juste ce qu'elle avait envie, pour toutes les deux. Avec le multi-clonage en plus, elle ne put s'empêcher de rire. Ses pleures continuaient mais plus calme. Elle ne restait pas dans un état nerveux. Elle aurait toujours tout ces doutes, c'était sûr. On ne retire pas des doutes existentiels avec une conversation. Mais on peut les apaiser un temps. Elle avait déposer le lapin mort pour ne pas le faire souffrir dans l’étreinte. Comme s'il était encore vivant. Peut-être par ce que c'était le cas pour elle. Tant qu'on aimait quelqu'un et qu'on s'en souvenait... il vivait encore un peu non ?

Elle avait besoin d'y croire.

« Merci... »

Elle la serra un peu plus contre elle, toujours sans la gêne qui allait naturellement avec les gens et surtout les japonais dans ce genre de cas. Mais son approche était bien plus calme et sensible. Rationnelle même. Un câlin apporte des hormones du bonheur à ceux qui l'officient. Elle sourit légèrement.

« Tu ressembles à une maman... » Elle rit. « Une très gentille maman. »

Peut-être est-ce par ce qu'elle n'avait que peu connu la sienne, mais la demoiselle avait eu besoin de dire cette phrase. Elle le pensait. Manako-tantei était vraiment adorable avec elle après tout. Elle se détacha doucement et regarda le lapereau sur leur droite :

« Est-ce qu'on devrait pas l'enterrer ? »

La petite demoiselle ne put que sourire devant toutes ses attentions. Elle pencha doucement sa tête alors que des rougeurs montaient sur ses joues. Quoi qu'elle fasse, sa timidité reprendrait toujours le dessus. Mais bon, pour le coup, ça lui allait. Cela lui permettait de se concentrer sur autre chose que ce qui l'avait fait souffrir à l'origine. Elle le savait bien d'ailleurs. Peu importe les événements et tout ce qu'il s'était passé, la demoiselle devait continuer. Elle n'avait pas le droit de s'arrêter. Elle n'avait pas le droit d'abandonner les corps sur le bord de la route. Elle devait parvenir à en faire quelque chose, à donner un sens à tout ce qu'il s'était passé. Après tout, on parlait de ses amis non ? On parlait des personnes les plus proches d'elle.

Elle devait se battre pour les aider ! Et lutter pour eux !

Sa motivation revenait en flèche. Comme souvent, ça se conjuguait à un oubli partiel de tout ce qu'il s'était passé. Elle retirait les émotions de son panel de capacité, dans le but pouvoir agir avec une totale logique, non brimée par ce qu'elle considérait d'inutile. Yuri se tapota la jupe-short en se relevant. Elle sourit grandement à Saphire :

« Oui ! Je vais trouver les plus belles du coin ! »

En tout cas, ce qu'elle pouvait trouver par ce que bon, soyons francs, même s'il y avait beaucoup de fleurs, il fallait les choisir. Elle avait lu une fois un livre sur la conception florale. Ce n'était pas son sujet de prédilection mais elle pouvait harmoniser quelques choses de façons à ce que ça reste agréable. En quête pour trouver ce qu'elle pouvait. Elle finit avec quelques pâquerettes, des feuilles longues, de la bruyère, des fleurs rouges inconnues et des baies des bois. Une fois le bouquet bien proportionné, il ne lui resta plus qu'à entourer avec une petite cordelette faite de racine. Fière d'elle, elle sourit doucement et revient une vingtaine de minutes après son départ à côté de la maman parfaite.

« Voilà... J'espère que ça ira ? » Elle lui montra avec sa timidité habituelle. Décidément, cette petite demoiselle ne remarquera jamais qu'elle avait de sacrées capacités et que les autres ne pouvaient la considérer que comme une simple gamine.

La jolie demoiselle déposa le bouquet avec une forme de solennel. Elle s'inclina ensuite à la japonaise devant la tombe, se promettant d'y revenir dès qu'elle recommençait à hésiter sur les morts qui avaient pu arriver autours d'elle. Elle serra les mains avec force. Cette fois, c'était sa motivation interne qui faisait virevolter la puissance de son âme. Elle n'avait pas le droit d'abandonner. Elle songea qu'elle n'avait pas encore parlé ni à Zuran correctement ni à ses gardiens actuels. Elle ne pouvait pas se laisser abattre bon sang ! Quel genre de marraine elle était !!

Avec calme malgré son regard, elle se redressa et alla se mettre contre Saphire pour lui faire un gros câlin. Elle se décala ensuite et lui offrit un grand et large sourire.

« Merci Manako-tantei. Tu es vraiment quelqu'un d'incroyable. Je suis contente d'avoir cherché avec toi le village de la feuille... Seulement, j'ai des missions qui m'appellent. Je n'ai pas le droit de rester trop longtemps dans un moment de pause. »

Elle se prit les mains tout en rosissant un peu.

« Est-ce que... Est-ce que tu veux bien échanger ton numéro avec moi ? Qu'on reste amies et en contact ? » Elle rajouta un peu affollée : « Enfin après je ne t'oblige à rien d'accord ? Désolée si c'est trop rapide mais... Enfin, je t'aime beaucoup ! Tu as le même genre d'aura que Tante Miko ou la maman d'Izuku ! Enfin peu importe je... Hiii ! Désolée je m'embrouille un peu avec tout ça... J'aimerai juste qu'on reste ami en soit ? » Elle sourit timidement. 

Le numéro dans son propre téléphone aussi, elle sourit grandement, sincèrement fière. Oui, elle faisait partie des amis d'une fille vraiment incroyable. Juste pour ça, sa journée avait complètement changé de sens et elle ne pouvait clairement pas dire qu'elle n'en était pas la fille la plus heureuse de l'univers tout entier ! Elle vivait assurément sa meilleure vie là, en train de se dire qu'elle avait partagé un moment privilégié avec quelqu'un qui, elle en était sûre, deviendrait une légende.

Peut-être que c'est un peu comme une rencontre entre deux personnes qui ont un bijû en eux ? On sait qu'ils vont devenir incroyable mais on sait juste pas quand. Elle espérait la voir à ses côtés plus tard. D'une façon ou d'une autre Saphire venait de devenir un de ses modèles de vie. Aussi lunatique soit elle, elle était là dès qu'il le fallait et ça c'était extraordinaire.

Après un dernier bye bye donné avec la main, la jeune demoiselle repartit directement vers la demeure des Nobusuma. Elle devait mettre beaucoup de chose au clair. Il fallait qu'elle convoque sa famille actuellement et qu'il cherche activement la prochaine étape de leur avancée. Il devait être au complet et le plus rapidement possible serait préférable. Il lui manquait une foudre et une tempête, elle devait les trouver.

C'était sa première vraie mission en tant que Ciel des Nobusuma. Si sa famille devenait complète alors elle pourrait essayer plus loin et décrocher la suite de sa mission : progresser ensembles. De plus, sa seconde mission était déjà en cours et elle devait aussi la passer au niveau supérieur... Elle allait faire de Zuran le chef qu'il devait être. Son sourire se fit doux, mais puissant. Elle allait faire son nécessaire, ça c'est sûr.