La frustration suintait dans l’air, Arun sentait le temps jouer contre lui et c’était visible autant dans ses gestes que dans ses réflexions.

Manami ne s’était pas vraiment attendu à ce qu’au lieu de réfléchir à la véritable clé, il cherche plutôt à saboter le système pour ouvrir la porte par raccourci, réussissant à repérer la fente d’ouverture de secours (qu’il n’avait pas demandé, mais le constructeur était trop consciencieux, il ne pouvait même pas le blâmer, c’était un oubli de la part du blond). Quand bien même, cela montrait au barista jusqu’où son ouïe pouvait aller avec le boost de la flamme. Et c’était glorieux, honnêtement.

Mais les quelques étoiles qu’il avait dans les yeux n’allaient pas l’empêcher de lui barrer la route à grands coups. Le brun tenait bon, évidemment, il ne tapait pas encore assez fort, l’objectif n’était pas de le blesser sérieusement ou de l’assommer. Mais à chaque frappe Manami augmentait légèrement la puissance, le mécanisme enclenché, ça se jouerait à la vitesse et au corps à corps.

Exploser la lumière avait également été une bonne idée, lui qui se repérait au son n’avait pas besoin d’un support visuel, et il était parfaitement logique que c’était ce sur quoi n’importe quel voyant se basait. Hélas il avait négligé un léger détail ; la flamme d’un rouge vif toujours flamboyante sur son front. Il n’a pas encore l’habitude, sourit le blond. Il l’imaginait déjà grogner à cette négligence plus tard, mais ça restait une première expérience à la flamme, et il ne doutait pas qu’il s’améliorerait très vite.

En revanche, le coup des vêtements frottés partout, Arun avait compris l’atout du blond. Il le comprit mais le sous-estima. Outre le fait qu’il puisse faire la différence entre l’odeur résiduelle laissée sur un objet et celle provenant directement d’un corps vivant, celle d’Arun avait en plus de cela changé sous l’effet de la flamme. L’ouragan avait l’ascendant sur le bambou et le bois vernis, et il ne sentait quasiment plus la cigarette, contrairement à ces vêtements qui en étaient imprégnés.

Il retint le brun par le bras en se propulsant vers lui alors qu’il fonçait vers la porte avant de le plaquer au sol, retirant le t-shirt de l’autre main. Vraiment, il se débrouillait magnifiquement bien, mais un combat était un combat, il ne pouvait pas le laisser filer alors qu’il pouvait encore l’arrêter, et il n’avait pas eu recours à sa flamme. Il était là pour l’entrainer, même si voir une volonté aussi belle ne pas être réalisée lui faisait un peu mal au cœur, il n’avait pas de pitié à avoir.

Le plus jeune ne pouvait pas gagner sur la force, mais il avait un avantage sur la vitesse. Au moment où Manami se prit le coup d’appui du brun, il comprit que dans leur position il ne serait pas assez rapide pour l’arrêter ; pas sans sa flamme. La mâchoire crispée dans l’action, il vit le téléphone filer hors de la pièce et s’arrêta, main tendue. La volonté avait été accomplie.

Tout son corps se détendit automatiquement, il quitta son mode combat et réarrangea sa cravate qui le serrait un peu trop (Arun avait dû s’en prendre à elle dans une de ses innombrables attaques). Mais alors qu’il s’apprêtait à rattraper le brun dans sa chute, quelque chose le heurta. Il lui fallut un battement de cœur pour réaliser que c’était une odeur.

L’odeur de la détresse, de l’effroi, de la peur.

Il fronça immédiatement les sourcils alors que son élève semblait avoir un flash et qu’il laissa échapper un nom. Avait-il un souvenir qui lui revenait en tête ? Pourquoi maintenant, et pourquoi un souvenir aussi douloureux ? L’odeur qu’il avait dégagée pendant un simple instant était inquiétante, mais quelque chose l’y était familière…

Décidant cependant qu’il y avait plus important pour le moment, il souleva l’adolescent avec aisance (n’était-il pas un peu trop léger ?) et le porta souplement jusqu’à sa chambre –qui avait le lit le plus confortable et un semblant de chaleur– et le déposa sous les couvertures. Il laissa la veilleuse tamisée au plus bas niveau et fouilla pour retrouver des bâtons d’encens de sa confection ; il en alluma un bâton, en espérant que la lavande douce et la camomille apaisent le jeune homme dans son repos et ses rêves.

Il redescendit rapidement récupérer les vêtements qu’il plia et posa sur une chaise à côté du lit, ainsi que le portable fissuré, avant de revenir à la cuisine. Il prépara des pâtes, rien de bien compliqué mais d’assez appétissant et facile à manger. Arun avait donné tout ce qu’il avait au combat, ce qui était assez impressionnant pour une première activation de la flamme, mais aussi très intense et éreintant pour le corps. Il avait besoin de récupérer, au moins en mangeant un bout et en dormant correctement.

Il ignorait s’il se réveillerait bientôt où s’il ferait directement sa nuit, en tous les cas, comme le blond le lui avait dit, il était le bienvenu chez lui. Et s’il ne descendait pas pour dîner, il lui laisserait une note sur la table et laisserait un double des clefs à l’entrée quand il sortira dans quelques heures pour sa tournée des fournisseurs.

Les pâtes étaient prêtes —avec de la salade de choux qui lui restait dans le frigo— et Manami avait fini d'arranger les quelques dégâts de leur combat dans la cave. Il remonta à l'étage avec un grand verre d'eau fraiche, sa rappelant qu'Arun aurait très certainement soif en se réveillant. Il remarqua bien vite que l'adolescent était réveillé lorsqu'il entendit une voix qu'il reconnut comme celle de Zuran au téléphone.

Alors qu'il allait entrer il fit un pas en arrière, attendant un instant qu'il ait fini et lui laissant une intimité. Un silence suivit, puis un léger bang. Il se dit que, sachant que le brun l'avait très probablement entendu venir, il devrait simplement se montrer.

Une odeur émouvante s'échappait de la chambre, bien plus forte que l'encens. Un bouquet qui lui rappela sa propre famille et le fit sourire. Aucun doute sur le fait que le brun était bien entouré, pour sûr.

Il toqua à la porte à moitié ouverte et la poussa pour entrer lorsqu'il reçut la question. Des personnes trop gentilles... Les restes de façon de pensée de mafieux l'auraient fait dire que c'est généralement mauvais signe en affaire, mais il doutait qu'il parle de ce genre de gentillesse. Non, il devait faire référence à l'amour d'un proche. Manami sourit doucement à la maladresse et posa le verre sur la table de chevet.

« Je pense qu'il faut simplement apprendre à être soi-même avec eux, et faire de son mieux pour être heureux. Si ces personnes t'aiment vraiment, c'est la meilleure façon de le leur rendre. »

Il n'attendait pas plus que ça lorsqu'il se montrait gentil avec quelqu'un, seulement qu'il se sente assez à l'aise pour ne pas avoir peur d'être lui-même et qu'il sache qu'il a un soutien pour être plus heureux. Et d'après le petit aperçu qu'il avait eu, les proches d'Arun tenaient autant à lui qu'il tenait à eux, c'était l'essentiel. Puis il ne doutait pas que le Nayaka accourrait si l'un d'eux avait un problème, ce n'était pas même la peine de le mentionner.

Il n'avait pas l'air de se rendre compte qu'il était un excellent ami et était désemparé lorsqu'on lui apprenait qu'on l'aimait, c'était...Vraiment mignon, en fait. Ce côté vulnérable se voyait à nouveau mais loin d'être une faiblesse, ça le rendait incroyablement attachant.

Aaaaaah, il avait envie de le prendre dans ses bras maintenant !